Comme son titre ne l’indique pas, cette bande dessinée parle de la condition des chiens en Corée du Sud, lesquels sont encore élevés pour leur viande, traduisant un choc culturel entre ville et campagne. Une lecture à la fois joyeuse et mélancolique.
Corée du Sud, de nos jours. Un jeune couple de citadins décide d’adopter un chiot. Très vite, ils se prennent d’affection pour leur animal de compagnie et choisiront de quitter la ville. En effet, celui qu’ils ont baptisé Carotte souffre d’anxiété après des mois passés dans une cage, et l’air de la campagne ne pourrait que lui faire le plus grand bien ! Dès lors, Hoon et Yuna vont apprendre à connaître d’autres chiens, et découvriront que dans leur village, tous les habitants ne sont pas toujours bien disposés à l’égard de la gent canine…
Après son émouvant récit sur l’exode vécu par sa mère durant la guerre de Corée, qui s’est soldée comme on le sait par une partition du pays aux conséquences tragiques, l’autrice franco-coréenne revient avec cette bande dessinée axée autour de cet incontournable animal de compagnie qu’est le chien.
A coup sûr, Keum Suk Gendry-Kim les a beaucoup observés, les toutous, et dans toutes les postures possibles et imaginables ! Il y a d’abord Carotte, le chiot adopté par le jeune couple, puis Patate, encore plus petit par la taille, déposé anonymement dans un carton au pied de leur porte, alors que Hoon et Yuna viennent tout juste d’emménager à la campagne. On fera également connaissance avec les chiens du voisinage, les Chouquettes (1, 2 et 3), Elvis, et puis enfin Choco, enfermé pendant des mois dans une cage par des propriétaires qui se désintéressaient totalement de son sort. Bouleversé par le regard d’une tristesse insondable du pauvre canidé, le couple se résignera à l’accueillir dans sa demeure.
Pour mieux comprendre cette volonté du couple de recueillir ces chiens abandonnés ou maltraités, peu de temps après leur arrivée dans le village, il faut savoir qu’en Corée du Sud nos amis canins sont consommés à l’instar de toute autre viande comestible, tout particulièrement à la campagne et contrairement à la ville où les jeunes générations les considèrent désormais comme des animaux de compagnie. Un véritable choc des cultures dans un pays encore partagé entre modernité et tradition. Quant au titre, il évoque l’été coréen, la période où les chiens disparaissent…
Côté dessin, Keum Suk Gendry-Kim privilégie toujours l’encre de Chine avec une touche de lavis dans une palette de styles assez hétéroclites, semi-réaliste pour portraiturer les sujets animés et quasi-impressionniste en ce qui concerne les paysages. Au-delà des toutous bondissants qui confèrent à l’ouvrage un certain dynamisme, la nature, abondamment représentée, équilibre l’ensemble en procurant un sentiment de sérénité, évoquant les maîtres de l’estampe asiatique.
Certes, il ne se passe pas grand-chose dans La Saison des pluies, qui doit être envisagée davantage comme une œuvre méditative, non dénuée de douceur, de mélancolie et d’empathie, pour ces animaux qui ne bénéficient pas encore d’un statut aussi personnifié qu’en France (où parfois cela confine au ridicule il faut bien l’avouer !). Il ne fait aucun doute que les amateurs d’animaux de compagnie, et plus particulièrement de chiens, vont adorer et verseront probablement leur petite larme à certains passages du livre.
Laurent Proudhon
La Saison des pluies
Scénario & dessin : Keum Suk Gendry-Kim
Editeur : Futuropolis
240 pages – 26 €
Parution : 13 avril 2022
La Saison des pluies — Extrait :