Benoît Sokal & François Schuiten nous livrent enfin la conclusion d’Aquarica, l’histoire fantastique de la symbiose entre un cétacé et un peuple marin.
Nous tenons la fin de l’histoire portée par les deux stars de la BD franco-belge. La sortie du premier volume remontait à 2017, une éternité dans l’édition. Hélas, entretemps Benoît Sokal est mort. Son ami François Schuiten a accepté d’achever le travail entamé, soient les douze dernières pages et la couverture.
Les compères travaillaient sur Aquarica depuis plus de 20 ans. Le scénario actualise la légende de Jonas et de la baleine géante qui enlève ses proies, mais les maintient en vie. Ils imaginèrent qu’une symbiose se crée, que les humains s’adaptent à la vie marine et oublient, au fil des années, leurs vies terrestres. Leur travail devait accoucher d’un dessin animé. Or, les deux géants de bande dessinée (pensez à la série Canardo pour l’un et à celle des Cités obscures pour l’autre) échouèrent à financer leur projet. De guerre lasse, Sokal décida de le dessiner.
Dans le premier tome, un crabe géant s’échouait sur la plage du petit port américain de Roodhaven. On découvrait sur sa carapace une étrange jeune femme et les débris d’un navire baleinier. La belle était recueillie par un scientifique, elle prétendait être née sur une baleine géante qui venait de tomber malade, elle réclamait de l’aide. La nouvelle se propagea dans le port, les chasseurs de cétacés appareillèrent en toute hâte, non pour la soigner, mais pour la tuer.
L’histoire de manque pas de charme et d’imagination. Nous retrouvons la passion de Sokal pour les animaux fantastiques (souvenez-vous du bestiaire de L’Amerzone ou des requins de L’Île noyée) et un bel et impossible amour, mais la résolution déçoit par sa simplicité et l’absence d’adversité.
Aquarica est porté par deux excellents dessinateurs. Les pages « maritimes » sont particulièrement réussies, les oiseaux paradisiaques et bancs de poissons valaient la traversée. Par un tour de force, François Schuiten adapte son style, sans jamais se renier, afin que la transition passe sans difficulté. Sa patte n’apparait clairement que lors du passage dans l’Institut de la mer, un rappel de son talent architectural.
Le long dossier final est, une fois n’est pas coutume, passionnant. Il conte la genèse du projet et celle de leur amitié, avec de nombreux dessins préparatoires. Adieu Monsieur Sokal.
Stéphane de Boysson