Le quinzième volume de la série Donjon Monsters s’inscrit d’emblée parmi les plus belles réussites, grâce à une histoire divertissante, qui porte un regard moral sur l’éducation des enfants, et surtout un dessin remarquable de l’Argentin Juanungo.
Nous sommes 24 tomes (le tome étant l’unité de mesure du déroulement du temps dans l’univers du Donjon !) avant la première aventure de Herbert et Marvin, Cœur de Canard : ce quinzième tome de la série Monsters se situe donc au sein du cycle Potron-Minet créé par Sfar et Trondheim, et en particulier à une période où le conflit entre les Cochons et les Magiciens fait rage. Voilà pour le contexte, qui nous garantit maintes plaisanteries « à la Harry Potter » sur des sortilèges mal maîtrisés – ou tout simplement mal appris – par les jeunes élèves du Professeur Rovela, mais aussi des piques bien senties des scénaristes contre un racisme (anti-cochons, donc) qui prolifère déjà sur Terra Amata, et qui n’est évidemment pas si différent qu’à notre époque.
La mauvaise formulation d’un sortilège (« Poupoutpapillon » au lieu de « Bubontatillon » !) par un élève particulièrement peu doué de la classe va précipiter toute la région dans une situation de plus en plus cataclysmique, sous la menace d’un terrible Diable Cochon de la Vengeance. Face au monstre, on découvre – pour la première fois – la toute jeune dragonne Pirzuine, future shamane et surtout épouse de Marvin, mais aussi un drôle de jeune cochon, Blaise, fuyant une famille abusive et attiré par la magie : ce sera avant tout à eux de lutter contre les catastrophes provoquées par leurs copains imbéciles, convaincus que la transgression est un jeu sans conséquences.
Du point de vue thématique, derrière l’habituelle débauche de combats sanglants, d’humour vaguement débile et de personnages absurdes, les Poupoutpapilloneurs pointe la bêtise du racisme, mais également l’importance de l’éducation des enfants, et du respect par eux de certaines règles de base pour assurer le bon fonctionnement de la société. Sfar et Trondheim seraient-ils devenus trop moralisateurs pour le bien de leur œuvre ? Non, car ils contrebalancent intelligemment ce discours « pédagogique » par l’acceptation du fait que le non-respect des règles peut également être vecteur de progrès : ce fameux sortilège fantaisiste du « Poupoutpapillon » ne se révèle-t-il pas, finalement, la clé de la victoire contre les forces du Mal ?
Au-delà de cette histoire bien troussée, qui fonctionne quasiment jusqu’au bout – même si le dernier combat contre le démon manque de cohérence et d’intérêt -, c’est quand même le dessin et la mise en couleurs remarquables de l’Argentin Juanungo (de son véritable nom Juan Sáenz Valiente…) qui constituent la grande qualité du livre : très beau, évocateur et original, tout en restant parfaitement fidèle au style du Donjon, le graphisme de ces Poupoutpapillonneurs en fait l’un des tous meilleurs volume de la série Monsters.
Eric Debarnot