Deux spécialistes de l’ambient, au service d’une musique immersive, qui vous transporte vers des contrées égarées où il fait bon être seul. Une électro minimaliste, où la répétition sert la beauté. Plénitude et relâchement au rendez-vous.
Adrien Pallot et Rémi Sauzedde (aka Apollo Noir, et A/N) sont bien connus des amatrices et amateurs d’ambient, d’électro minimaliste et planante à la limite du new age. Adrien Pallot nous a ému et hypnotisé avec des albums publiés en 2019 – variations –, en 2020 – 28 4481483, 16 4579661 –, et en 2021 – 45.8616634, 6.3701834 –, déjà sur Santé Records. De son côté, A/N, gestionnaire du même label, est aussi connu pour une électro sans concession, qui peut être brutale, hachée, saccadée comme sur les remarquables Chaos ID ou Weapons , même si ces albums intégraient malgré tout des dimensions un peu planantes, en tout cas plus cool. Bref, deux compositeurs ouverts, curieux, deux fous de technologie, remarquables bidouilleurs de sons, expérimentateurs hors-pairs qui savent parfaitement se débrouiller avec les synthés de toute sorte.
À quoi pouvait-on s’attendre avec ces deux maîtres de l’électro ? Vu le degré de maîtrise technique d’Adrien Pallot et de Rémi Sauzedde, la meilleure réponse était (devrait être) « à tout »! Ce sera peut-être pour la prochaine fois. Parce que ce qu’ils nous offrent sur cet album s’inscrit dans la ligne de ce que qu’Adrien Pallot (surtout) avait fait de son côté ces dernières années. C’est loin d’être un problème. Cet album est totalement immersif, quasi-régressif. 10 morceaux légers et enchanteurs qui hypnotisent, envoûtent, enveloppent. Une musique faite de nappes de synthés, de sons tordus, de notes de pianos légèrement égrenées, de quelques arpèges de guitare. Une musique qui relève pleinement du minimalisme – celui de Steve Reich ou de Philip Glass, par exemple. La répétition de séquences sonores, rythmiques à peine perturbées par quelques rares ruptures.
Des ambiances éthérées. Les écouter provoque un sentiment de plénitude, de bien-être, de relâchement — c’est le côté new age —, qui est le même que celui que procuraient les précédents opus des deux musiciens. AP et A/N ne font pas de la musique, ils créent des paysages ou mieux, des mondes, des univers. Nous sommes transportés dans des environnements naturels sauvages et glacés mais paisibles, tellement paisibles. Une forêt saupoudrée de neige. Une mer de nuages. L’océan à perte de vue. Une plaine couverte de plantes (d’un vert profond) qui se balancent délicatement poussées par le vent. Des paysages où il n’y a rien à l’horizon, ni habitation, ni être humain, ni animal. Il y a bien quelques sons, comme tordus, qui évoquent les cris de baleines, on cherche du regard, mais ils ou elles ont disparu. Nous sommes seuls au monde. Avec la musique.
Alain Marciano