Belle ouverture du Festival Restons Sérieux au Supersonic hier soir, avec un Metro Verlaine très impressionnant de force et de splendeur sombre, qui sait transcender ses influences cold wave. On en redemande !
Première Soirée Restons Sérieux – un « festival beau & bizarre de la musique française à contre-courant », au Supersonic, qui se déroule entre la salle de concerts et le disquaire à côté, avec 5 groupes prévus chaque soir. Alors que Paris transpire sous la canicule qui s’installe, et que la climatisation et les bières fraîches se font encore plus accueillantes qu’à l’habitude, nous sommes surtout venus voir Metro Verlaine, les Ebroïciens post punks, responsables d’un beau second album sorti il y a peu, Funeral Party.
A 22h10, avec un peu de retard, Marek Zerba le Vésigondin pop et insaisissable – dont la musique est qualifiée sur l’affiche du festival de « Pop Crooneuse » – débute son set, et nous fait très plaisir avec ses chansons toutes en français – c’est si rare désormais ! Mais Marek, qu’on connaissait plutôt comme artiste solo, est surtout accompagné par un groupe qui… envoie du bois ! Au premier abord on est impressionné par les deux guitares qui font un boucan d’enfer, finalement assez inattendu sur des chansons baroques, qui prônent plutôt une fantaisie joyeuse dans leurs paroles. Marek est très drôle quand il glisse ses plaisanteries entre les chansons (il a le culot d’annoncer le ventre mou du set à la quatrième chanson, mais ce n’est même pas vrai !), et ses textes, largement absurdes, sont pour la plupart très réussis (Guitariste de Plage, Étoile de Mer). On ne mettra qu’un bémol à notre plaisir, les vocaux de Marek sont parfois moyens, surtout sur les morceaux les plus rock, plus violents où il doit crier. C’est bien dommage, car il y a de l’idée dans ce mélange de tradition bien française de chansons légères et de rock bruyant.
23h15 : Metro Verlaine, tout à l’origine un duo constitué par Raphaëlle la blonde chanteuse et Axel à la guitare, joue désormais en format quintette : sous l’étiquette « après punk », ils démarrent leur set sur les chapeaux de roue. Ils ont clairement amené avec eux un public de fans qui vont mettre le feu au Supersonic, en particulier au cours de la toute dernière partie, sur deux morceaux incendiaires (l’intense et gothique The Fall et le jouissif Manchester). Mais dès le début et en dépit de petits soucis – vite résolus – avec l’une des pédales d’effets d’Alex, on sent que le groupe en a… sous la pédale, justement. Les influences eighties – un peu de cold wave, revendiquée haut et fort, par ci, un doigt de The Smiths par là (You Tear Me Up) – qu’on craignait envahissantes sont digérées avec élégance et légèreté. Raphaëlle est une chanteuse, mais aussi une front woman très convaincante, et n’hésite pas à plonger dans le petit moshpit (petit vu la taille de la salle du Supersonic).
Les compositions sont largement passées à l’anglais, mais on apprécie dans le set – consacré principalement au nouvel album – l’alternance des deux langues (avec quatre chansons en français : New York City, Tequila Sunrise, Laisse Tomber la Nuit, Manchester) : ce mélange fonctionne impeccablement, et, en conduisant Raphaëlle à changer de registre vocal, crée des ruptures d’atmosphère qui jouent en faveur du set. Plusieurs morceaux incluent de belles montées en intensité dans leur dernière partie, qui leur permettent de se démarquer avec énergie des versions studios. Musicalement, on apprécie particulièrement le son de la guitare d’Axel (qui peut évoquer celui de Chris Urbanowicz aux débuts de Editors) et le jeu de batterie sec et percutant, en particulier sur les morceaux les plus rapides. Final punky, donc, avec pogo général, et on reprend en chœur, avec un grand sourire malgré le ton dramatique de la chanson, le final : « J’irai crever à Manchester« .
Très beau set d’un groupe dont on a absolument raison de dire du bien, et qu’il ne faudra pas manquer cet été s’ils passent près de chez vous. Décidément, la Normandie, qui ne se réduit pas à Rouen, peut prétendre à la couronne de la région la plus rock de France.
PS : Pour ceux qui se posent la question, les Vésigondins sont originaires du Vésinet, dans les Hauts de Seine, tandis que ce sont les habitants d’Evreux que l’on qualifie d’Ebroïciens. C’était notre minute culturelle « découvrez les villes de France en écoutant du rock’n’roll ! ».
Photos et textes : Eric Debarnot