Comment le groupe post-punk parisien Frustration a-t-il vécu ces deux années passées et chamboulées par la pandémie ? Fabrice, leur chanteur, revient sur cet épisode et sur l’actualité du groupe.
Benzine : Le dernier disque de Frustration est un 45 tours paru lors du Disquaire Day de l’année dernière….
Fabrice : Oui, il est rouge et noir avec deux titres inédits issus des sessions de notre dernier album, So Cold Stream, sorti en 2019. Il y a Oddities et So Cold Stream, du nom de l’album, mais qui ne figurait pas sur le disque, ce qui n’est pas courant. Comme le Gun Club avec l’album Fire Of Love dont le titre n’est pas sur l’album… Je crois qu’il n’y a pas dix mille exemples…
Benzine : Comment avez-vous vécu ces deux dernières années ?
Fabrice : Imagine un peu, notre album sort en novembre 2019, on donne un concert au Trianon en février 2020, on débute la tournée et là, bam… tout est figé, tué dans l’œuf à cause de la pandémie et du confinement. On a réussi a obtenir des attestations légales pour continuer à aller dans notre local de répétition situé à Mains d’œuvres, que la municipalité avait essayé de fermer. Puis on se tape une inondation, bref notre matériel en prend un coup… mais ce n’est pas grave, ce sont des problèmes de nantis ! Donc, pendant ces deux années et demie, on se rendait dans notre local, on branchait les amplis sans forcément jouer, on ne foutait rien, on discutait et on a maintenu une espèce de lien. Car ils sont nombreux les groupes à ne pas avoir survécu, justement par manque de lien physique. Nous, malgré tout, on se voyait sans forcément jouer. Evidemment j’ai écrit aucun texte durant cette période.
Benzine : Justement, comment se passe ton processus d’écriture ?
Fabrice : Je n’écris jamais avant, j’ai une écriture plutôt transpirante. Je n’en ai rien à carrer de l’écriture vitale du matin. J’écris les textes une fois la ligne musicale plus ou moins définie. Par contre j’ai plein de post it avec des idées de paroles, des expressions….
Benzine : Pour revenir au confinement…
Fabrice : Nous ne l’avons pas vécu de la même manière au sein de Frustration. Il y en a deux parmi nous qui ont déménagé en province, mais grâce au TGV, nous pouvons continuer à répéter à Saint Ouen.
Benzine : Et vos projets…?
Fabrice : On a un 45 tours en préparation qui sortira sur Blind Records au mois d’octobre 2022.
Benzine : Et pourquoi pas chez Born Bad ?
Fabrice : Parce que JB, le boss de Born Bad a d’autres trucs sur le feu et n’est pas forcément intéressé par tous nos projets. Donc sur ce 45t, il y’aura Nowadays en face A, et sur la face B, c’est une reprise des années 80 d’un groupe américain assez mythique dans le milieu. Avec quelques bières je t’aurai lâché le nom…. mais là ne compte pas sur moi.
Benzine : Rien d’autre en préparation ?
Fabrice : On a actuellement cinq ou six titres en chantier.
Benzine : Les concerts ont bien repris depuis ce printemps ?
Fabrice : Oui, et ce soir c’est notre dernier concert de l’été. On fait une pause d’un mois et demi. On a fait des trucs assez incroyables et bizarres comme le Hellfest, ou encore un one shot à Perpignan où on s’est rendu en train. En juin, nous avons joué en Allemagne, Tchéquie et Pologne dans des bars, des clubs et même dans un festival gothique… où on s’est bien marré.
Benzine : Vous y avez partagé la scène avec les cyberpunks Sigue Sigue Sputnik ?
Fabrice : Oui ! Dans ce festival on a joué juste avant eux. Ahhh… c’était mauvais…il y avait une bassiste lookée façon The Cramps qui faisait semblant de jouer, et le lendemain à l’hôtel, Tony James (NDR : leader du groupe et ancien guitariste de Generation X avec Billy Idol) ressemblait à un croisement de Marion James et de Jean-Pierre Coffe affublé d’une espèce de grande tunique. Il regardait si les gens le reconnaissaient. Sur scène, il paraissait avoir 75 ans, les fesses à l’air et on avait juste peur de se prendre une giclée de caca. On a bien ri quand on a joué car le public de gogoths semblait ravi de se prendre un peu de rock&roll dans la tronche. On a tout donné.
Benzine : Pourrais tu me citer tes disques préférés-cultissimes ?
Fabrice : Alors mon morceau préféré est Heaven Street de Death In June, tiré de leur premier maxi 45t. D’ailleurs on reprend du DIJ sur scène sans aucun problème, on fait ce qu’on veut avec qui on veut. Ensuite A Means To An End de Joy Division… Bon je reste dans le post punk sinon je pourrai te citer pleins de truc hardcore comme Six Pack de Black Flag, Green Light de Sonic Youth, et Western de Warum Joe.
Benzine : Et des disques récents ?
Fabrice : Il y en a des tonnes… on est très fans de la scène australienne et berlinoise en ce moment. Je peux t’en citer deux ou trois comme Stiff Richards, Vintage Crop, Diat ou Beige Banquet. Tous ces gens-là, tu les retrouves au festival Binic en Bretagne… il y’a aussi des trucs plus distrayants comme Amyl And The Sniffers ou Sleaford Mods dont on est en train d’en sortir car trop écouté. Ah oui, il y’a un super groupe australien, Eddy Current Suppression Ring… et j’oubliais The Chats un bon groupe de pub-rock. Et évidemment, tous ces fils de p… sont aussi bons les uns que les autres.
Propos recueillis par Mathieu Marmillot le 02 juillet 2022