Katerina Cupova adapte la célèbre pièce de Karel Čapek, un texte fondateur de la science-fiction et une angoissante réflexion sur la folie humaine qui n’a rien perdu de sa modernité.
Katerina Cupova adapte en bande dessinée R.U.R. – Le Soulèvement des robots, un classique de la science-fiction inconnu en France. Non seulement le Tchèque Karel Čapek invente, en 1920, le mot et le concept de robot, mais il décrit une rébellion plus convaincante que celles présentées par les blockbusters américains. Oubliez Terminator !
Installés sur une île, à l’écart du monde, les établissements R.U.R. (« Rossumovi Univerzální Roboti ») ont le monopole de la fabrication des robots. Le vieux savant Rossum aspirait à recréer la vie dans toute sa complexité. Plus simplement, son successeur a mis au point l’androïde parfait. Ses robots travaillent sans repos. Ils n’exigent pas de salaire, ne souffrent pas, ne se révoltent pas et sont susceptibles d’être produits en masse. Un robot défectueux est simplement envoyé à la casse, sans pathos.
Le scénario de Katerina Cupova est très fidèle au texte original. Karel Čapel a écrit une pièce de théâtre. Ses personnages, les dirigeants du groupe et une poignée de robots, ne quittent pas le cadre de l’usine. La jeune et charmante Helena débarque sur l’île afin d’inciter les androïdes à la révolte… Or, dépourvus d’âme, ils ne bronchent pas. Dépitée, elle épouse le très idéaliste directeur commercial. Ce dernier rêve d’un monde nouveau où l’homme, débarrassé de l’obligation de produire, vivra heureux et apaisé. L’enfer est pavé de bonnes intentions. Dix ans plus tard, le monde est en feu. Les robots ont pris les armes. Čapel a soigné l’écriture de ses héros, le financier, le technicien ou le jardinier. Leurs réactions sont logiques et la catastrophe finale, hélas, probable.
Malgré un contexte sombre, le dessin de la jeune Katerina Cupova est étonnement léger. Médusés, nous assistons à l’agonie de l’humanité. Son trait est très proche de celui de Fred, le père du merveilleux Philémon, en plus épuré. Faussement naïf, son travail propose peu de décors, mais ses couleurs sont doucement aquarellées et ses cadrages variés. Bien que seulement esquissés, les traits de ses visages et les positions de ses personnages sont étonnamment expressifs. Leurs tenues désuètes contribuent à accentuer leur sentiment d’accablement face à ce qu’ils estiment être un injuste acharnement du sort. Seuls les regards de ses « robots » semblent figés, mais, ces derniers ont-ils une âme ? À vous de juger…
Stéphane de Boysson