Dans Le Pré aux moutons, Tofépi nous raconte encore une tranche de vie qui est la sienne, lui qui vient de quitter la maison familiale pour emménager dans un petit appartement en ville. Du Tofépi pur jus, toujours aussi authentique !
Tofépi est un auteur de bandes dessinées pas forcément très connu mais dont j’aime beaucoup l’univers. Un garçon que j’ai découvert à l’époque de la série Les Caroulet il y a une vingtaine d’années au Seuil BD. Depuis, c’est toujours un vrai plaisir que de se plonger dans ses récits, dans lesquels il s’inspire de son vécu pour raconter des histoires qui n’ont rien d’extraordinaires mais qui s’avèrent en fin de compte extrêmement attachantes, bourrées de petits détails de la vie et dans lesquelles on peut se reconnaître. C’était le cas notamment avec son précédent livre Le Gars de l’hebdo, paru en 2020, où l’auteur évoquait son expérience comme correspondant local dans un journal de province tout en continuant à vivre chez ses parents. Des parents qu’il va quitter définitivement, comme il le raconte cette dans ce nouveau récit découpé en petites séquences, comme autant de moments d’une vie banale mais qui, pourtant, sous le trait de crayon de Tofépi prennent une vraie dimension littéraire.
Etienne a donc décidé de quitter la maison familiale, plus ou moins poussé par ses parents à se trouver un appartement et vivre sa vie. Après avoir vécu dans le cabanon au fond du jardin, le voilà désormais installé dans un tout petit appartement où il va devoir gérer tout comme un grand. Il était grand temps pour ce vieux célibataire d’avoir son indépendance… ce qui ne l’empêche pas d’aller rendre visite régulièrement à sa grand-mère, d’aller se balader du côté du pré aux moutons et de voir comment vont les abeilles et la ruche.
Menant un vie quelque peu précaire, Tofépi évoque au fil des pages sa solitude, son amour indéfectible pour la bande dessinée, le plaisir qu’il a de retrouver ses copains auteurs à Angoulême ou ailleurs, mais aussi ses échecs dans ses tentatives de séduction pas toujours heureuses auprès des femmes.
Avec beaucoup d’autodérision, d’humour et de tendresse, Tofépi a ce don si particulier pour raconter des petites choses qui se transforment parfois en moments de grâce, comme lorsqu’il adopte un chat plein de puces trouvé dans la rue, qui va finir par mourir presque dans ses bras. En quelques cases, et avec une économie de mots, il réussit à nous émouvoir. Car ce qu’on l’on aime avant tout chez Tofépi, c’est la simplicité et l’épure, autant dans son dessin que dans le récit, dans cette manière qu’il a de se mettre en scène, d’évoquer ses observations et ses ressentis avec une certaine mélancolie, comme ont su le faire avant lui – chacun dans leur style – de grands auteurs américains comme Harvey Pekar, Chester Brown, Seth ou même David Snug, du côté des français.
Benoit RICHARD