Vous êtes en vacances ? C’est le moment parfait pour vous régaler d’un nouvel album de Neil Young, qui, lui, n’en prend visiblement jamais, de vacances. Fermez-les yeux : nous sommes en 2019, et Neil Young ravage les scènes européennes, porté par l’énergie et le talent de Promise of the Real…
Le 23 juin 2016, nous sortions quasiment éberlués du Palais Omnisports de Bercy (qui n’était pas encore l’Accor Arena…) : Neil Young, à plus de soixante-dix ans, semblait avoir retrouvé une nouvelle jeunesse en remplaçant les vétérans du Crazy Horse par les petits jeunes (enfin, c’est relatif…) de Promise of the Real, le groupe des Frères Nelson (les fils de Willie Nelson, pour ceux qui l’ignoreraient)… Et nous avait offert un set épique, un déluge d’électricité qui nous avait ravis : l’énergie fantastique dégagée par cette « nouvelle alliance » palliait sans difficulté aux problèmes croissants que Neil rencontrait avec sa voix, logiquement incapable de retrouver la pureté d’antan. Mais ce qui nous avait surpris, et très agréablement aussi, c’était la versatilité de Promise of The Real, capable de sonner sans effort comme les Stray Gators de l’époque de Harvest : avec un groupe capable de reproduire avec aisance chaque période de sa longue discographie, le Loner pouvait se laisser aller. Et de fait, il était impossible d’ignorer que Neil avait abandonné sa position de leader autoritaire / dictateur vis-à-vis de musiciens qu’il surveillait habituellement d’un œil sévère. Il y avait quelque chose de « paternel » dans l’affection qu’il semblait témoigner vis-à-vis de gens qui avaient, de fait, l’âge d’être ses fils.
Noise and Flowers ne date (malheureusement ?) pas de 2016, ce qui nous aurait permis de valider complètement nos impressions de l’époque. Il a été enregistré en 2019, lors d’une tournée européenne raccourcie – qui n’était pas passée par la France, nous semble-t-il – immédiatement après le décès de l’ami de toujours, Elliott Roberts, l’incontournable manager de Neil. Neil raconte sur son blog combien la présence d’Elliott – figurée par un poster placé sur une malle de matériel stratégiquement placée sur le côté de la scène où Elliott se tenait normalement – avait imprégné la musique du groupe pendant ces concerts. Peut-être est-ce en effet ce fantôme, autant que le talent de Promise of the Real, qui fait de la version de On the Beach figurant sur cet album l’une des plus belles que nous ayons entendues en live.
Dans le registre des belles surprises – c’est-à-dire des morceaux qu’on n’a pas encore beaucoup trop entendus en live -, Are You Ready for the Country remporte aisément la palme : ce titre que tout le monde juge en général comme le plus faible de Harvest acquiert ici une grâce et une fraicheur inattendues. Dans un autre genre, l’interprétation très grunge (ou « pixieienne » si l’on veut…) du fragile, et splendide I’ve Been Waiting for You est autre phare de l’album, et nous rappelle combien le premier album solo Neil, s’il avait été mieux produit – et mieux interprété aussi -, aurait pu être son premier chef d’œuvre. Et les versions jusqu’au-boutistes de Mr. Soul, qu’on n’a jamais entendue aussi « heavy » en intro, et surtout de Fuckin’ Up en conclusion, confirment quand même le sentiment que nous avions eu en 2016 de l’énergie époustouflante déployée par Promise of the Real.
Du côté des (légères) déceptions, le rare Throw Your Hatred Down, rescapé de l’album Mirror Ball avec Pearl Jam, s’avère le moment le moins convaincant de l’album. Et la relecture des grands classiques du Crazy Horse (Everybody Knows This Is Nowhere, Rockin’ in the Free World) n’atteint pas le niveau de lyrisme et d’émotion du groupe original. Mais aucun fan du Loner ne pourra en être surpris : à l’impossible, nul n’est tenu !
Il est peu probable, de nos jours, alors que l’âge semble l’avoir finalement rattrapé, que Neil Young ait dans ses projets une nouvelle association avec Promise of the Real. Mais ce superbe live servira de parfait témoignage de la réussite de cette aventure.
Eric Debarnot