Jolie réussite dénotant d’une grande maîtrise technique, Treize Vies retrace, avec un soupçon d’ethnocentrisme anglo-saxon, l’extraordinaire opération internationale de sauvetage de 12 enfants et de leur entraîneur bloqués dans une grotte thaïlandaise…
Fin juin 2018, douze enfants, joueurs d’une équipe de football, et leur coach, se retrouvèrent prisonniers à l’intérieur de la grotte de Tham Luang Non, en Thaïlande, du fait de l’arrivée de la mousson un mois plus tôt, qui provoqua une inondation soudaine des tunnels à l’intérieur de la montagne. Tout le monde se souvient de l’émoi provoqué par cet accident, et de la mise en place d’une gigantesque opération internationale pour extraire les enfants de leur prison avant le retour de pluies encore plus violentes : cet élan de générosité global, qui permit à l’histoire de bien se terminer, restera pour longtemps un exemple du bien que l’humanité est capable de faire, quand elle s’unit… et ce d’autant que les quatre dernières années, entre la pandémie, les crises diverses, et la guerre en Europe nous ont ramenés en arrière, dans un monde où les « bons sentiments » ne semblent plus avoir de place.
Qui dit « bons sentiments » dit forcément potentiel d’en faire un film (qui autrefois aurait été hollywoodien et qui aujourd’hui est produit par une plateforme de streaming) célébrant l’héroïsme et la générosité humaine. Ce film, c’est donc Treize Vies, qui a pour objectif de nous fasse croire, au moins durant les plus de deux heures qu’il dure, en la possibilité d’un monde solidaire. Treize Vies a été logiquement confié au vétéran tout-terrain Ron Howard, qui aura rassuré les producteurs quant à sa capacité à limiter les risques et à offrir un résultat tout public qui ne choque personne et plaise à tout le monde.
Bien entendu, dans un tel film, il convient de mettre en avant les mâles blancs anglo-saxons qui ont rendu le sauvetage possible, grâce à leur combinaison unique au monde d’expérience, de courage et de capacité à innover et à prendre des risques. Face à eux, les plus de 5.000 autres personnes ayant participé à l’opération (dont une centaine de plongeurs), originaires de deux dizaines de pays, ne font pas le poids : un bon film britannique ou US les réduira inévitablement à une simple présence dans le fond de l’image, à des postures d’admiration et de respect devant la toute-puissance anglo-saxonne, voire même, quand il s’agit de Thaïlandais, à des soupçons d’incompétence ou d’obstruction.
Il faut souligner que le rôle clé des plongeurs du BCRC (British Cave Rescue Council) dans l’opération d’évacuation est parfaitement véridique, de même que la décision controversée d’anesthésier les enfants pour pouvoir mieux les manipuler dans les passages difficiles, grâce à l’aide d’un anesthésiste australien : nul procès d’intention ne doit être fait aux scénaristes de Treize Vies, qui collent de manière très acceptable aux faits. Le problème réside plus dans l’angle mort (inévitable ?) d’un tel film, qui ne regarde que la partie de l’histoire qu’elle veut voir : le fait par exemple que, une fois les enfants ramenés par nos héros plongeurs dans la « Chambre 3 », des centaines de personnes organisées en chaîne humaine les ont transportés pendant encore 4 ou 5 heures dans des conditions extrêmement périlleuses n’a tout simplement pas le droit de figurer à l’image.
Du point de vue purement technique, Treize Vies est parfaitement réussi : spectaculaire sans voyeurisme, porté par une interprétation plutôt sobre de pointures comme Viggo Mortensen, Colin Farrell ou Joel Edgerton, le film de Ron Howard nous tient en haleine pendant près de deux heures trente, bien mieux que votre film de super-héros de base. Treize Vies s’avère particulièrement immersif (sans jeu de mots), nous faisant ressentir toutes les épreuves physiques et l’angoisse des personnages, tout en restant d’une parfaite lisibilité : c’est un exploit compte tenu de la complexité des situations et de la multitude de personnages… En ce sens, on a affaire à une réelle démonstration d’un professionnalisme qui n’est plus si courant que ça…
Et pour peu qu’on ait oublié l’issue du drame, Treize Vies peut même être regardé comme un thriller à suspense. Nous n’allons pas nous en plaindre…
Eric Debarnot