Dix morceaux à la richesse psychédélique. Percussions et basse pour des rythmes afro-latinos passés à la moulinette du Krautrock. Des morceaux chauds, luxuriants et luxueux, simples et riches, faciles à écouter et tellement complexes à la fois, cool, et intelligents. Les Residents reviennent après un détour par les tropiques. Wet Satin invente l’Afro-kraut.
Tout brille dans cet album de Wet Satin (le duo formé par Jason Miller et Marc Melzer, deux anciens membres des Lumerians). À commencer par la superbe pochette qui l’emballe. Les tropiques. On imagine une île sauvage. Un soleil parfaitement rond au dessus d’une mer étale. Une forêt dense couvre les pentes des collines. Au premier plan des palmiers couverts de fleurs étranges et très envahissantes. Des singes grimpent aux arbres en regardant le peintre. Et puis on se dit qu’il y a quand même quelque chose qui cloche Les singes sont à moitié goguenards, à moitié malins, tentateurs—venez jouer avec nous—, mais pas certain que ce regard en coin soit si rigolard. Et ces couleurs. Le jaune orangé domine, donnant à l’ensemble son éclat. Mais pourquoi les ombres sur les écailles des palmiers sont-elles vertes ? Et quid de ces formes oblongues ? Une pochette qui n’est pas sans rappeler celle de The High Frontier, un album des Lumerians (2013). La nature n’est pas représentée de manière très réaliste. On se sent plus proche de l’expressionnisme Allemand du début du 20ème siècle que du réalisme naïf du Douanier Rousseau.
Brillent aussi les titres des morceaux : Golden Prawn, Rainbow Glint, Sun Glitter, Diamond Nectar, Colored Tongues… Et la musique, évidemment. Une lumière éclatante, et ambigüe (comme la pochette). Jason Miller et Marc Melzer parlent de « Kosmische Tropicale » pour caractériser leur album. Tout est tropical ici, en effet, Afrofunk. Tout est cosmique, aussi, à cause des synthés Krautrock. Luxuriance cosmique. Une musique composée à Los Angeles, les pieds sous les tropiques et l’esprit à Berlin. Afro-kraut !
Les 10 morceaux de l’album sont composés sur une même base de percussions, plus ou moins synthétiques, des maracas, combas ou autres instruments très latinos qui dominent l’ensemble et d’une basse groovy, ronde et omniprésente. La plupart des morceaux commencent d’ailleurs avec les percussions, sur lesquelles vient se greffer la basse qui donne un rythme très tropical-funk, très afro, très dansant cool — plutôt lounge peinard que club disco survolté. À cette base, se superpose sur chaque morceau des synthés, un métallophone ou xylophone, voire même quelques guitares quelquefois très sixties qui jouent les mélodies — à l’exception de Brandy Stains, tous les morceaux sont instrumentaux. Et puis il y a tous ces sons électro rajoutés ici et là… Impossible de ne pas penser que les Residents — ceux du Commercial Album — ne hantaient pas le studio dans lequel Jason Miller et Marc Melzer, enregistraient Wet Satin. Cela rajoute à la luxuriance, à l’exubérance. Mais, au final, les morceaux finissent par être assez décalés, difficiles à cerner. On commence par penser Afrofunk, avant que l’électro ne surprenne, mais le côté funk revient avec d’autres percussions, avant d’être dérangé de nouveau par les guitares…
Bref, des couches de sons, d’ambiance, de textures qui font de Wet Satin un album riche et complexe. Alors que malgré tout l’album dégage aussi un surprenant côté easy listening, que n’aurait pas renié Luke Vibert (juste pour donner une idée de l’ambiance) ! Simple et complexe, riche et immédiat. Comment ne pas y prendre du plaisir à l’écoute de cet album ?
Impossible de détailler chaque trouvaille, chaque moment où les morceaux de Wet Satin déraillent. Parce que tous les morceaux déraillent à un moment où à un autre. On ne sait jamais vraiment ce qu’on écoute. Même si les deux premiers morceaux sont assez immédiats, WitchKraft Singles et Golden Prawn, rien n’est vraiment simple non plus dans l’enchevêtrement de sons, de rythmes, d’instruments. On ne sait pas si on doit suivre la rythmtique (pour danser) ou les autres instruments (pour le côté mental). Dès le troisième morceau, on a l’impression de changer d’atmosphère et de faire le moyen-orient de Thievery Corporation dans Lebanese Blonde — ambiance que l’on retrouve sur Sun Glitter. On peut même se croire chez Serge Gainsbourg (Brandy Stains, le seul morceau chanté de l’album). Mallangong, ou FonzieDance4U, Colored Tongues ou Erta Ale sont plus lents. Le groove mis au service de la mélancolie — tristes tropiques… au choix, on balance entre mélancolie et groove. Un album qui appartient à celles et ceux qui l’écoutent. Alors, allez-y !
Alain Marciano
Wet Satin – Wet Satin
Label : Fuzz Club Records
Date de parution : 12 août 2022
Merci pour cette découverte !
Par contre il serait juste de citer Cristobal Tapia de Veer qui a écrit la B.O de la série White Lotus. En effet Wet satin s’en inspire pour ne pas dire plus…
Cordialement