On sait depuis longtemps que le Rock Australien est capable d’engendrer des groupes à l’impact planétaire, et il se pourrait bien que ce soit un jour le tour de Mid City de remplir les stades dans le monde. En tout cas, ils ont transformé leur passage au Supersonic en grande célébration extatique du stadium rock…
On sait depuis des décennies que l’Australie et la Nouvelle Zélande sont des terres fertiles pour le Rock, mais on sait aussi, malheureusement, que leur éloignement rend plus rares qu’elles ne devraient être les apparitions parisiennes des groupes de Down Under. On avait donc ce soir envie de profiter du passage au Supersonic – pour ce qui était a priori leur premier concert à Paris – des Australiens de Mid City, en train de tourner dans les festivals européens, et dont nous ne connaissions guère que le prometteur dernier single, Choc Mint, sorti il y a quelques mois : un peu de recherche sur le Net montrera l’existence d’un album datant de 2020, sans label et tiré a priori à 150 exemplaires… on parle donc ici d’un groupe quasi débutant.
21h30 : Mais avant d’aller au bout du monde, on commence par un voyage au bout de la France, avec les Brestois de Night Fuss, dont c’est aussi, si on a bien compris, le premier concert parisien. L’introduction instrumentale de leur set, avec une magnifique partie de guitare de Jimmy Costiou, éveille tout de suite notre attention : un morceau ambitieux, presque Prog Rock, qui fait preuve d’originalité par rapport à ce qu’on entend aujourd’hui dans l’Hexagone…
… mais le trio enchaîne immédiatement dans le genre qui est en fait le leur, un Blues Rock mélodique, sec et agressif, funk parfois, parfaitement exécuté et surtout très bien chanté. Costiou a une voix intéressante, un peu décalée par rapport au genre musical du groupe, et ce n’est que lorsque Night Fuss nous offrent une reprise bien envoyée des Arctic Monkeys (Don’t sit down ’cause I moved your chair) qu’on fait enfin le lien : oui, il y a bien quelque chose d’Alex Turner dans le chant de Costiou, mais bien sûr pas l’Alex Turner anglais des débuts, plus le musicien tombé amoureux de la musique américaine.
Les 50 minutes du set de Night Fuss passent comme dans un rêve, tant le groupe passionne avec son rock classique mais accrocheur, sensuel mais dur quand il le faut, qui fait danser un public – brestois ? – il est vrai conquis d’avance. On pourra regretter un petit manque de folie, une absence de montée en intensité aussi, qui aurait pu transcender un concert un peu trop poli. Night Fuss terminent par un très beau Groove On franchement funky, sans doute le meilleur morceau du set.
22h40 : Changement de matériel ultra rapide, et les Australiens de Mid City déboulent, avec une énergie immédiatement stupéfiante. On passera sur le look grands gars vigoureux avec casquettes, qui les apparente un peu à des touristes de Melbourne de passage à Paris, car très vite, leur look est totalement hors-sujet. C’est une véritable tornade qui s’abat sur le Supersonic, et balaie le public avec une puissance rarement entendue ici : même si les réseaux sociaux parlaient en effet d’un Indie Rock incendiaire, pour une fois le marketing n’est pas mensonger !
On a tendance à tiquer au début sur le niveau de testostérone sur scène comme dans la salle, où des dizaines de mâles s’agitent dans une transe extatique : heureusement, un grand nombre de jeunes femmes vont venir rapidement s’ajouter dans la fosse, pour une sorte de communion dionysiaque vraiment inhabituelle. Chaque chanson du groupe – que personne ne connaît pourtant à l’avance – occasionne des reprises immédiates du refrain par le public, des bras qui s’agitent, des corps qui s’embrassent, des hurlements de joie : on croit rêver, ce n’est plus le Supersonic, on n’est plus seulement une petite centaine dans la salle, mais des milliers en train de profiter d’un grand festival pop. On n’est plus en 2022, mais bien quelque part dans les 80’s ou les 90’s, en train d’écouter U2 ou The Killers déployer leur stadium rock héroïque devant des foules immenses.
Le chanteur est particulièrement efficace quand il s’agit d’allumer les incendies, descendant chaque fois qu’il en a l’occasion dans la fosse pour faire chanter le public avec lui, enlaçant ses (tous nouveaux) fans, créant, il faut le reconnaître, une ambiance formidable. On lit d’ailleurs dans ses yeux combien il est heureux de cet enthousiasme débordant que la musique de Mid City provoque, combien il est même probablement surpris d’un tel accueil, si loin de Melbourne.
Il est difficile de commenter les morceaux, si ce n’est qu’ils sont bien accrocheurs (on a particulièrement apprécié Ride, et on a été surpris par l’efficacité de Compromise, un nouveau titre…) et qu’ils louchent donc – un peu trop à notre goût, mais c’est une autre histoire – vers le lyrisme, voire l’emphase de certains groupes des années 80. Que cette musique ne soit pas normalement à notre goût n’enlève rien à la singularité de l’expérience, et, si nous avions eu encore 20 ans, nous nous serions très probablement dit à la sortie de ce set de 50 minutes – avec un rappel ! – enthousiasmant : « Nous venons de voir le futur du Rock et il s’appelle Mid City ! ».
De toute manière, on leur souhaite tout le succès du monde, et il sera toujours temps pour nous de les snober quand ils rempliront le Stade de France.
Texte et photos : Eric Debarnot