Bon, on s’est bien amusé avec Westworld, et puis des tas de geeks se sont trouvés un nouveau job sur YouTube (expliquer ce que la série raconte aux spectateurs perdus), mais il est plus que temps de mettre un terme à cette plaisanterie qui a bien trop duré…
Avant de critiquer trop négativement une série comme Westword, dont la quatrième saison continue à nous raconter une histoire à la complexité quasiment aberrante, au point où l’on peut régulièrement douter du fait que Lisa Joy et Jonathan Nolan savent réellement ce qu’ils font et où ils vont, remémorons-nous que cet interminable délire narratif fait le bonheur de dizaines « d’experts » à travers le monde qui nous expliquent par le menu, sur leur chaîne YouTube, ce que signifie chaque péripétie de la série via des vidéos plus ou moins ludiques. Et comme il y a, inévitablement, des dizaines de milliers de fans qui suivent avec intérêt, voire avec passion ces explications tarabiscotées, qui défient, la plupart du temps, la logique la plus élémentaire, Westworld ne témoigne-t-elle pas de l’existence d’un certain type de fiction, qui donne plus de satisfaction à ses fans par les commentaires et les discussions qu’elle génère que, directement, par elle-même ?
Car dans Westworld, si l’on peut apprécier la beauté de certains décors, l’originalité de certains concepts futuristes, la qualité indiscutable de l’interprétation d’un casting « all stars » (Ed Harris, Jeffrey Wright, Evan Rachel Wood, Thandiwe Newton, Aaron Paul… pas vraiment du menu fretin…), l’élégance d’une mise en scène régulièrement sophistiquée, il est difficile objectivement d’identifier le moindre point positif dans un scénario qui n’en est pas un, chaque épisode semblant avancer à l’aveugle entre réalité et virtualité, à travers des temporalités différentes (ou pas ?), des disparitions et réapparitions de personnages permises par la réplicabilité des « hôtes », ces androïdes qui ne rêvent pas de moutons électriques…
La référence à l’immense Philip K. Dick paraît incontournable quand on parle d’une Science-Fiction mettant en scène de dangereux androïdes menaçant l’avenir de l’humanité et des basculements incessants entre différentes réalités : néanmoins si, chez Dick, ces fantasmes délirants nourrissaient une angoisse existentielle profonde (la paranoïa de l’auteur) et une crainte de la mise en place de gouvernement totalitaires, deux sujets toujours pertinents en 2022, il n’y a rien de tout ça chez le Frère Nolan ! Il n’y a guère qu’une fascination perverse pour des mind games (ou des mindfucks, comme on dit de nos jours…) à la vacuité infinie, dissimulée derrière un gloubi-boulga prétentieux (soit un reproche qu’on fait souvent aussi à Christopher…).
Se déroulant 7 ans après les évènements de la troisième saison, qu’on avait pu trouver amusante grâce à ses aspects de cheap SF et une sorte de débilité caricaturale qui engendrait un peu de sympathie, cette quatrième saison décrit la réalisation des plans de Charlotte Hale (une Tessa Thomson au jeu moins convaincant que celui de ses collègues), habitée désormais pas l’esprit de Dolorès : le monde – curieusement réduit à une version futuriste de New York – peuplé d’humains est devenu, par un savoureux retournement des choses, un parc d’attraction pour les « hôtes ». Face à elle, se dressent quelques résistants traqués par sa police, et surtout le couple formé par Bernard, qui a un plan complexe pour sauver l’humanité impliquant le Sublime (désormais dissimulé dans le fameux Hoover Dam, un site des plus spectaculaires), et Maeve, qui ne sert pas à grand-chose dans cette saison. Si l’on ajoute qu’une jeune femme – scénariste de profession, si, si – ressemblant comme deux gouttes d’eau à Dolorès, se pose des questions sur sa propre existence, on a le point de départ parfait pour une autre série de 8 épisodes qui ne font quasiment aucun sens (mais, on l’a dit, permettent d’alimenter des discussions sur les réseaux sociaux).
Et à la fin, alors que tout pourrait se terminer là dans un holocauste global représenté par une dizaine de figurants morts dans une rue déserte, on nous annonce que, eh bien, non, il y a encore une « dernière partie à jouer » ! Si la cinquième (et dernière, promis, juré) saison de Westworld n’est pas encore confirmée par HBO, échaudée par l’effondrement logique de l’audience de la série, elle pourrait bien voir notre retour dans le parc à thème initial !
On espère quand même qu’un responsable de chez HBO le sera assez (responsable) pour débrancher la machine qui maintient artificiellement en vie une série plongée depuis longtemps en état de mort cérébrale.
Eric Debarnot