D’un postulat scénaristique inquiétant, les frères D’Innocenzo échouent constamment à insuffler trouble et nouveauté, se contenant de dérouler les figures classiques du film explorant (et jouant avec) la folie de son personnage principal.
Qui est-elle ? Comment est-elle arrivée ici, dans cette cave, dans cette situation-là, attachée, bâillonnée et tuméfiée, entourée de détritus ? Massimo ne comprend pas. Qui est cette jeune fille emprisonnée dans sa cave ? Qui l’a mise là ? Il tente bien de le lui demander, de l’aider aussi, mais elle mord et elle hurle. De peur sans doute d’être tenu responsable de son enlèvement et de sa séquestration, Massimo la laisse là et ne dit rien, ni à la police ni à sa famille ni à son meilleur ami. Il veut d’abord savoir qui et pourquoi. De ce postulat scénaristique inquiétant, Fabio et Damiano D’Innocenzo vont tricoter une sorte de fable schizophrénique sur les dérèglements intérieurs d’un homme qui a tout mais qui ne sait plus qui il est, s’interrogeant soudain sur sa propre identité et la tangibilité de son quotidien.
Évidemment, tout y passe : amnésie éventuelle, hallucinations, troubles de la réalité, fantasmes et soupçons en pagaille : serait-ce le meilleur ami de Massimo qui intrigue contre lui, cherchant ainsi à lui nuire ? Ou son père, qui le méprise avec une rare violence ? Ou peut-être même sa femme et ses deux filles ? Mais les frères D’Innocenzo ne cherchent jamais la moindre nouveauté dans l’évolution de leur récit, se contenant de dérouler les figures classiques, et presque imposées, du film explorant (et jouant avec) la folie de son personnage principal. De fait, voir Massimo lutter comme un diable contre une aliénation de plus en plus prégnante ne procurera qu’un sentiment aigu de déjà-vu. Et qu’un ennui certain.
D’autant que les frères D’Innocenzo multiplient vainement les effets de mise en scène comme pour palier à ce manque d’originalité narrative qu’ils n’ont su éviter. Sans parler de cette conclusion balourde venant appuyer, venant expliciter ce que l’on avait finalement compris, et annihilant une bonne fois pour toutes les quelques mystères et zones d’ombre qui, éventuellement, pouvaient encore susciter de l’intérêt et, plus simplement, sauver le film. Le mieux sans doute (non, sans aucun doute) est de voir ou revoir Lost highway, Enemy ou Black swan, films-labyrinthe paranoïaques autrement plus troublants et ambitieux que ce truc qui sonne creux, mais dont on retiendra quand même l’interprétation habitée d’Elio Germano.
Michaël Pigé