Loin de l’aspect folklorique que revêtent pour nous les mœurs des Mormons, Sur Ordre de Dieu montre clairement le danger mortifère de la religion lorsqu’elle se cramponne à des dogmes en contradiction totale avec l’évolution de la société. Une mini-série impressionnante mais maladroite.
A force d’accuser toutes les autres religions, et en particulier l’Islam, d’être un foyer incandescent d’intolérance, et donc de terrorisme potentiel, nos amis états-uniens oublient facilement à quel point leur approche de la foi et de l’institution religieuse est elle aussi rétrograde, et souvent criminelle, ou tout au moins mortifère. Et c’est là l’indiscutable importance d’une mini-série comme ce Sur Ordre de Dieu (traduction française réductrice du titre original, Under the Banner of Heaven, c’est-à-dire sous la bannière des Cieux) : elle rappelle aux incultes et autres analphabètes que les Etats-Unis se construisirent sur la violence – ce que désormais l’on sait -, mais surtout que cette violence a été l’arme de prédilection des croyants, tous persuadés qu’il convenait d’exterminer quiconque ne pensait comme eux (et, en plus, de garder les femmes à leur « juste place »).
En Utah, en plein cœur du pays mormon, un atroce double meurtre est commis, qui secoue une communauté ultra-croyante et persuadée de vivre « sous la bannière de Dieu ». Un détective issu de cette communauté mène l’enquête, assisté de son collègue d’origine indienne (Gil Birmingham, magistral…) qui jette quant à lui un regard nettement moins bienveillant sur les us et coutumes mormones. Cette enquête, qui rapidement se concentrera sur une famille importante de la communauté et qui a depuis quelque temps emprunté la voie dangereuse du fondamentalisme religieux, va ébranler profondément les convictions du jeune père de famille, qui va voir peu à peu son univers d’effondrer, sans possible retour en arrière.
C’est Andrew Garfield, un acteur souvent moyennement convaincant, qui interprète le rôle du détective Jeb Pyre, et il faut admettre que sa performance maladroite et hébétée, paniquée même, fait beaucoup de l’intérêt du film, comme si ses failles d’acteurs épousaient parfaitement celles de son personnage : nul doute qu’il s’agit là du rôle de sa vie. Le reste de la distribution comporte le meilleur comme le pire : Daisy Edgar-Jones est incandescente en femme qui lutte pour être libre au sein d’une famille de plus en plus ancrée dans des traditions rétrogrades, commençant par rejeter les lois et le pouvoir, avant de se perdre dans des déviances douteuses – et illégales -, comme la polygamie. Elle sera celle par lequel le scandale, puis le drame arrivent dans un monde qui ne laisse qu’une place congrue aux femmes. A l’opposé, Sam Worthington se révèle trop rigide, visiblement incapable de représenter à l’écran la profonde métamorphose de son personnage, d’entrepreneur moderne à prophète ancestral auto-déclaré.
On touche là du doigt l’une des deux grandes faiblesses de Sur Ordre de Dieu : en 7 épisodes entremêlant de nombreux flashbacks, la mini-série de Dustin Lance Black (s’attaquant ici à un sujet personnel, puisqu’il est lui-même issu de cette communauté…) échoue à nous montrer l’évolution – ou plutôt la « dé-volution » de la famille, comme si le fait d’affubler les acteurs de barbes, cheveux longs et vêtements de pionniers suffisaient à nous faire comprendre leur effondrement religieux, philosophique et moral.
L’autre problème, plus désolant sans doute, est l’ambition de nous conter de manière parallèle au déroulement de l’enquête, l’histoire de l’église mormone, sa guerre contre les protestants, sa drôle d’alliance (mensongère) avec une tribu indienne, mais aussi les luttes intestines qui mèneront à son éclatement en communautés hostiles les unes aux autres, des plus intégrées dans la société US, aux plus fondamentalistes et isolées. C’est un programme pédagogique louable, et il faut admettre qu’on apprend beaucoup de choses, mais cela ne fonctionne jamais, soit parce que toutes ces scènes historiques semblent artificielles et peu crédibles, soit parce que leur inclusion dans la trame narrative est quasiment toujours inopinée, maladroite.
Ceux qui ont lu le livre de Jon Krakauer dont s’inspire la mini-série, livre relatant « une histoire vraie » qui s’est déroulée dans les années 80, soulignent aussi combien le dernier épisode, prêchant – d’une manière très américaine – la possibilité d’une foi qui soit respectable, tolérante,… « juste », contredit la dure réalité : la religion, quelle qu’elle soit, finit par TUER.
Eric Debarnot