Heaven Come Crashing est le second opus de la jeune new-yorkaise de Brooklyn Rachika Nayar. On y entendra 10 titres en clair-obscur, enveloppant l’auditeur dans une atmosphère vaporeuse riche et rassurante.
Certaines musiques atmosphériques sont souvent décrites comme cinématographiques. Parce qu’elles dessinent des horizons sonores, des ambiances desquelles nul ne serait surpris de voir émerger un personnage inattendu. Ces musiques peuvent parfois sombrer dans la facilité qu’offre toute la technologie musicale actuelle. Rachika Nayar évite avec talent cet écueil en conservant son instrument de cœur à la base de toutes ses créations.
C’est à la guitare que l’ensemble des lignes musicales prend forme. Les sons sont ensuite totalement retravaillés, par sous-couches et par couches….jusqu’à en métamorphoser totalement la texture. Une œuvre de musicienne autant que de sculptrice.
Parfois, comme sur Gayatri, la guitare se fait reconnaissable, pareil à un ilot émergé au cœur de l’océan. On s’y accroche pour s’y ressourcer avant de partir de nouveau à la dérive volontaire dans les flots sonores riches d’écume.
Durant ces brefs instants, Rachika Nayar s’inspire en lui rendant hommage au son de Steve Reich.
Le titre donnant son nom à l’album Heaven Come Crashing illustre ce tumulte construit de nappes successives. Une ligne mélodique simple (comme on le retrouvera d’ailleurs sur le morceau Sleepless) est lentement, sagement déployée. Subtilement Maria bc vient murmurer à nos oreilles déjà conquises et faussement rassurées. Une première nappe très Drum & Bass se superpose, des vagues de basses lourdes et une lame déchirante de guitare brute s’ajoutent. Succédant à l’appel envoutant d’une sirène, voila l’auditeur en pleine tempête aussi brève qu’inattendue.
L’ensemble de l’album s’écoute avec un plaisir immédiat qui ne se dément pas au fil des écoutes. Celles-ci, bien au contraire révèlent une diversité, une richesse et une subtilité que seuls les grands albums possèdent.
Rachika Nayar demeure fidèle au label NNA de sa première production Our Hands Against The Dusk (2021). Elle poursuit avec cohérence ce méticuleux travail de création, hybridant avec succès la guitare, quelques cordes et le piano avec les processus de modelage électronique du son.
Cette fusion n’est pas étrangère à la production d’un court EP intitulé « Fragments » (2021) et édité par le très pointu label RVNG Intl, lui aussi installé à Brooklyn. C’est en effet sur ce même label que des artistes aussi talentueuses que Holly Herndon ou Julia Holter se sont fait connaitre.
A l’instar de ces artistes, Rachika Nayar déploie une musique protéiforme tout à la fois romantique et nébuleuse, insouciante mais sincère, complexe tout en étant accessible.
Si le concept même d’album est de plus en plus mis à mal alors que la musique s’écoute par playlist, Heaven Come Crashing existe aussi pour convaincre de la nécessité à se laisser porter par l’ensemble des compositions voulues par l’artiste.
Nicolas Duquenne