Dans un évident grand écart avec le set tiède des Arctic Monkeys la veille, l’immense Nick Cave, toujours intense, a rappelé à son public de Rock en Seine ce que signifiait le don de soi, sur une scène. Exemplaire !
Le lendemain de Arctic Monkeys, c’était ironiquement un artiste (mal) repris par eux (Red Right Hand) qui était l’affiche du jour. Un artiste qui avait dû annuler son concert à l’Accor Hotels Arena pour cause de COVID. Le contraste offert par Nick Cave et ses Bad Seeds sera saisissant. Le public ne connaissait pas par cœur Red Right Hand. Mais de toute manière le set, parcourant toute la carrière de Cave du début (From her to eternity) à son dernier album avec Warren Ellis, n’était pas composé que de classiques du plus grand bluesman australien. Le public était plus âgé, moins chaud au départ que celui des Britanniques. Mais Nick Cave a rappelé ce qu’était le don de soi sur scène en se plongeant sur le public comme un Iguane dès le début du concert. Sur les premiers morceaux, on aura vu Warren Ellis s’agitant comme en transe vaudou. Et dans le registre « habité », il y avait aussi bien sûr un Cave convoquant les fantômes des bluesmen et de Johnny Cash.
Cave remerciait en permanence le public parisien. Peut-être parce qu’avec les récents et tragiques décès familiaux, il a besoin plus que jamais de la scène. Il a plaisanté avec le public, vanné un spectateur sur son chapeau, réceptionné les divers objets qui lui étaient offerts (une carte « Suck my Dick », un mouchoir avec lequel il a essuyé son abondante transpiration avant de le refourguer à un autre spectateur). On l’a parfois vu faire les allers-retours entre le public et le piano au cours d’un morceau.
Après un début plutôt centré sur les années 2000-2010, la seconde moitié du concert était composée d’un peu plus de classiques des années 1980-1990 : un Tupelo précédé d’une présentation évoquant Elvis, le déjà mentionné Red Right Hand, le mythique Mercy Seat et ses références à la Bible et à La Nuit du Chasseur, un beau The Ship Song au piano. Et même un morceau moins connu de Tender Prey (City of Refuge) communiquait son urgence au public. On a enfin eu des tentatives de slam dans la foule en fin de concert. En rappel solo au piano, Into my arms était repris en chœur par le public. Hélas la direction du Festival surgit alors sur scène pour indiquer à Cave qu’il n’avait droit qu’à un morceau de plus. Ce sera la face B Vortex avant des applaudissements de fin mérités.
Un set de 17 titres certes, mais on aurait bien repris une triple ration de ce Cave-là jusqu’au bout de la nuit. Et même si sur un tel site, cela revient à prêcher à des convaincus, il faut rappeler que Nick Cave incarne un cas très rare dans le rock : si son âge d’or des années 1980-1990 est derrière lui, il aura cependant continué à se renouveler et produire quelques excellents albums. Dans un rock dont les légendes ont souvent tout donné à leurs débuts, rares sont ceux, avec des hauts et des bas, à avoir construit une œuvre sur plusieurs décennies (seuls Dylan et Bowie… selon l’auteur de ces lignes).
Texte : Ordell Robbie
Photos : Robert Gil