Qu’il soit anarcho-pop et festif avec Louis Lingg and the Bombs, ou hardcore et sérieux avec les Australiens de CLAMM qui font beaucoup parler d’eux depuis une paire d’années, le punk rock reste l’une des réponses musicales les plus pertinentes à la situation politique globale. La preuve encore une fois, hier soir, au Supersonic…
« J’ai l’impression qu’il y a beaucoup plus de groupes Australiens qu’avant qui viennent jouer à Paris, de nos jours… » nous confiait un ami. Une impression ? Non, une certitude. Cela s’explique sans doute d’abord par la vitalité actuelle de la scène rock australienne… Et peut-être aussi par le fait, tout simple mais logique, qu’après l’emprisonnement lié à la pandémie subi pendant deux ans – le confinement a été une chose sérieuse, down under… – les artistes n’ont qu’une envie, prendre leur envol et sillonner la planète. En tous cas, nulle raison de s’en plaindre, quand cela nous permet d’assister au Supersonic à un set de l’un des jeunes groupes les plus prometteurs de la scène punk rock globale, le trio de CLAMM !
21h30 : Quelques mesures de God Save the Queen (le vrai, pas celui des Pistols) interprétées au kazoo pour Elizabeth II, décédée la veille au soir, avant de hurler « No King ! no God ! », c’est une parfaite introduction pour 35 minutes de punk rock à tendance arnacho-pop (c’est le groupe qui le dit…), donc bien dans l’esprit Londres 77, voire Buzzcocks si l’on insiste sur les mélodies très accrocheuses. Mais ce qui est bien français chez Louis Lingg & The Bombs, c’est leur goût pour un burlesque festif, qui dépasse finalement leurs déclarations politiques (Louis Lingg était un anarchiste poseur de bombes allemand). La preuve, c’est que le premier morceau a à peine commencé que Joshua Hudes, le chanteur compositeur d’origine galloise qui mène ce groupe parisien, est déjà dans la fosse, à bousculer les pogoteurs tout en chantant / hurlant.
Un set de Louis Lingg and the Bombs, c’est une sympathique succession de brulots aux accents parfois métal, et aux refrains faciles à chanter (il y a même une reprise de Charli XCX, qui dit « I dont wanna go to school,I wanna break all the rules… » le genre…). On soulignera quelques délicieuses parties vocales à deux voix avec Juliette, la petite chanteuse : c’est toujours un plaisir ce genre de choses, et ça vous pose un groupe… Si les guitares manquent parfois un peu de mordant, l’évidence des chansons et l’enthousiasme des musiciens compensent largement. Le public est ravi, et nous échappons à la traditionnelle douche à la bière (pour le moment…).
22h40 : Après quelques difficultés de réglage du son, notre « power trio » punk australien préféré du moment entame son set par Confused, un titre de leur premier album, qui… nous confond en effet, manquant curieusement d’énergie. C’est tout simplement un échauffement… on fait une pause pour régler encore une fois le son, et le set peut vraiment commencer. Jack Summers, le chanteur-guitariste, est un joli garçon à la carrure sportive, le type de gendre parfait et propre sur lui dont les mères australiennes rêvent pour leur fille… Mais son jeu de guitare est surpuissant, et sa voix passée à la reverb débite des textes virulents, que ça soit sur des sujets politiques (universels plus qu’australiens…) ou sur le malaise existentiel de la jeunesse : bref, l’habit ne fait pas le moine, ou alors on dira que le modèle de CLAMM est plus du côté de Fugazi (être virulents politiquement passe mieux quand on est « sérieux »…). Miles Harding, à la batterie est un véritable forcené, tandis que Maisie Everett, la bassiste et dernière arrivée au sein du groupe, fait vraiment très, très jeune quand on la rencontre ainsi, sur une scène parisienne, « en vrai ».
Même si la fosse remue moins que pour Louis Lingg and the Bombs – la musique est clairement moins festive -, une petite bagarre éclate, qui nous vaudra d’être aspergés de bière des pieds à la tête (voilà, comme ça, c’est fait, ce sont les risques d’un concert punk). Liar, le « tube » du premier album, Beseech Me, est accueilli par des cris de joie du public. A partir de là, les derniers morceaux d’un set consacré principalement à Care, le nouvel album (neuf titres sur douze), sont joués en surmultipliée, et on termine la tuerie par un impeccable Buy.
On peut certainement regretter que sur scène, certaines complexités des chansons sont laminées, conférant un sentiment d’uniformité au set. On peut aussi se fatiguer de l’écho permanent sur la voix, qui ne facilite pas non plus la communication entre les chansons… Mais la puissance de CLAMM est indéniable. 35 minutes de punk rock quasiment hardcore, assez classique finalement : le troisième album sera la clé pour comprendre si le groupe a le potentiel d’évoluer au-delà de son style actuel après deux albums très réussis.
A suivre, donc…
Texte : Eric Debarnot
Photos : Robert Gil (CLAMM) et Eric Debarnot (Louis Lingg and the Bombs)
CLAMM – Care : les frustrations de la jeunesse (encore une fois…)