C’est très rarement une bonne idée, à une époque où la scène rock mondiale est d’une créativité inégalée, de s’accrocher aux vieilles gloires des années 80. Il y a heureusement des exceptions, et The Wedding Present nous ont prouvé à Petit Bain qu’ils savaient rester tranchants, émouvants et pertinents.
Le principe de la célébration par leurs auteurs, sur scène, d’albums « historiques », nous a toujours laissés dubitatifs. D’abord parce qu’il traduit une prépondérance du passé, qu’il conviendrait de muséifier et de faire visiter régulièrement à des « fans », les musiciens créatifs d’antan se muant au mieux en gardiens du temple, et au pire, en rentiers pépères d’une histoire glorieuse. Ensuite, parce que, si nous sommes réalistes, très peu d’albums, même parmi les meilleurs, méritent d’être interprétés dans leur intégralité, et dans l’ordre, s’il vous plaît ! Et ce n’est certainement pas le morne Seamonsters, le moins bon album de la première période des formidables The Wedding Present, disque sans inspiration artificiellement boosté par la production de Steve Albini, qui va nous faire changer d’avis. Renouer avec David Gedge et son équipe (totalement renouvelée récemment, d’ailleurs, le nom du groupe n’étant plus qu’une étiquette collée sur les musiciens de Gedge) en fêtant cet album était donc loin d’être une bonne idée, même si le cadre formidable de Petit Bain nous garantissait au moins une belle ambiance à la fois rock’n’roll et amicale.
Il n’est pas encore 21h30 que The Wedding Present entrent en scène, pressés d’en découdre. Gedge a renoncé depuis quelque temps à se teindre les cheveux, et sa belle crinière ébouriffée et blanche lui va parfaitement : c’est toujours une bonne décision d’assumer son âge, surtout quand on a conservé par ailleurs une silhouette jeune et une énergie rageuse qui semble inépuisable. On remarque particulièrement, à son côté, la présence à la guitare de Jon Stewart, ex-guitariste des confidentiels et mythiques Sleeper, tandis que la nouvelle section rythmique se révèlera parfaite tout au long des 1h35 de set.
On attaque donc les quarante et quelques minutes de Seamonsters, et comme nous le craignions, nous avons peu de raisons de nous réjouir : même si Gedge chante avec une intensité remarquable, et met beaucoup d’émotion dans sa voix, même s’il essaie de temps à autre de prendre des poses de guitar hero pour montrer qu’il y a de l’énergie dans ces chansons, on frôle, sinon l’ennui – ce serait exagéré de dire ça – mais on se sent assignés à une position de spectateurs peu impliqués… Et on commence à se dire que, décidément, le passé n’est plus ce qu’il était.
Quand Gedge annonce – il nous a l’air soulagé lui aussi, en fait – que Seamonsters, c’est fini, quelque chose bascule : d’ailleurs, symboliquement sans doute, les lumières colorées remplacent l’éclairage uniformément blanc qui a prévalu jusque-là. Retour à la vie, la vraie, retour aux meilleures chansons du groupe, les vieilles comme les récentes, qui vont faire très rapidement monter la pression, la tension et tout ce que vous voulez dans la salle…
On avait remarqué que Gedge avait une tablette accrochée à son pied de micro, et on avait pensé, un peu méchamment, que cela lui permettait de se souvenir des paroles de certaines chansons, mais il va en fait l’employer pour faire régulièrement des déclarations en français entre les chansons. Il s’agit clairement d’un substitut au fait qu’il ne parle pas couramment français, mais on se demande pourquoi d’autres artistes ne font pas ce même effort de communication avec le public – si simple à mettre en œuvre de nos jours. Il y a de la part de Gedge un véritable respect, une belle complicité avec son public, qui est totalement en phase avec les émotions fortes que les textes des chansons transmettent : on se souvient sans doute que John Peel, grand fan du groupe, soulignait toujours que, derrière l’agression sonique et rythmique du groupe, il y avait un gros cœur qui battait…
En reprenant de jolie manière un titre de Low, Canada, Gedge prouve que son Wedding Present a plus de versatilité qu’on pense a priori, mais c’est quand même quand le groupe se lance dans Brassneck, magnifique tuerie – et paf, Gedge pète une corde de sa guitare malmenée ! – que la soirée bascule : malgré l’âge moyen du public, ça saute dans tous les sens, ça agite les bras comme dans les eighties, ça réinvente des danses primitives dont on avait oublié l’existence. Et c’est bon.
Gedge annonce un nouveau morceau, I Am Not Going to Fall in Love With You, mais nous promet que nous ne serons pas déçus (« … parce que c’est du Wedding Present ! »), et de fait, la musique s’accélère, s’emballe, et c’est l’hystérie générale. Magnifique ! Extraordinaire. Et quel plaisir de penser que le meilleur moment du concert sera une nouvelle chanson : voilà qui montre bien que ces commémorations d’un passé disparu ne font aucun sens !
Pour nous faire plaisir, Gedge ajoute à sa setlist le tonitruant Kennedy (et ses paroles formidables, à la fois hilarantes et tragiques) : « Oh have you lost your love of life? / Too much apple pie / And now Harry’s walked away with Johnny’s wife… » Vous avez perdu le goût de la vie ? / Trop de tarte aux pommes / Et maintenant Harry s’est barré avec la femme de Johnny…). On en pleure de joie !
Il n’y aura pas de rappel, car il n’y a JAMAIS de rappel avec The Wedding Present, mais on se quitte dans l’émotion avec le très beau My Favourite Dress, l’une des premières chansons que l’on ait entendues du groupe, en 1987.
En entrant dans la salle, on se disait que ce concert serait probablement le dernier que l’on verrait d’un groupe dont l’heure de gloire date de près de 30 ans. Maintenant, on n’en est plus si sûr !
Texte et photos : Eric Debarnot
The Wedding Present – Locked Down and Stripped Back Vol. 2 : éloge de la légèreté
Bonjour
Manifestement vous ne pouviez pas faire un début de compte rendu plus amphigourique qu’il ne l’est… La simplicité a parfois du bon vous savez !
Salutations.
Bonjour ! Tu as bien raison, j’essaie d’écrire plus simplement, mais souvent je n’y arrive pas. Ma tête doit être trop compliquée. Merci pour tes encouragements, en tous cas.