Version bollywoodienne du MCU, Brahmastra part de bonnes intentions, mais n’en fait pas grand chose, se contentant de recycler les clichés du cinéma commercial US.
Il fut un temps où Bollywood régnait en maître sur le Box Office indien. Mais depuis quelques années, le cinéma du Sud de l’Inde lui taille des croupières en terme d’entrées en salles. Plus récemment, Bollywood a subi des attaques de la part des nationalistes hindous, via des appels au boycott pas toujours suivis de résultats au Box Office. Outre une hausse du coût de la vie et une concurrence des plateformes de streaming impactant comme partout ailleurs le cinéma, Bollywood fait face à d’autres critiques : choix des acteurs/actrices régis par le népotisme, films ressassant les mêmes clichés, canons de beauté inaccessibles incarnés par le star system local… C’est dans ce contexte que sort Brahmastra Part One : Shiva, film essayant sur le papier de proposer du neuf au public indien. Et c’est sans doute ce neuf sur le papier qui a solidifié les préventes et permis au film, en dépit de retours publics mitigés, de s’en sortir au Box Office.
Premier volet d’une possible franchise, le film se veut une réponse indienne au Marvel Cinematic Universe. Défi d’autant plus grand que le film n’est basé sur aucun comics, et souhaite fonder ses super-héros sur des références culturelles locales. Une intention louable, mais les longues explications des fondements de la mythologie ont le même effet plombant que les tunnels d’explication de concepts chez Christopher Nolan. Surtout, le film finit par avoir les travers récurrents du rival hollywoodien. Les tons rouge vif et bleus de la photo sont un enchantement pour les yeux, le budget se voit dans les décors. Mais le budget semble être passé dans tout cela, ainsi que dans une surenchère de SFX dans les scènes d’action plutôt que dans le scénario.
Ce premier volet de Brahmastra n’est pas le premier film populaire indien à recycler Hollywood. Mais dans d’autres cas le recyclage était fait en y ajoutant suffisamment d’exagération ou de lyrisme pour donner aux films un charme. Du coup le cliché vu ailleurs reste du cliché : l’amour qui triomphe de tout, les super pouvoirs se révélant par accident (Spider-man), la maîtrise nécessaire des super pouvoirs des super-héros opposée à l’abus de ces derniers par les supervillains, le héros devant affronter au propre et figuré ses antécédents familiaux (Star Wars), la quête d’objets porteurs de possibilité d’hyperpuissance (Indiana Jones), le camp d’entraînement à la Harry Potter…
Au rayon « faire comme Hollywood mais ça ne marche pas », il y a le caméo de Shahrukh Khan et le second rôle d’Amitabh Bachchan, anciennes gloires locales destinées sans doute à rameuter en salles un public plus âgé. Khan fut dans les années 1990-2000 l’acteur phare des mélos romantiques bollywoodiens. Son apparition en scientifique voudrait resusciter le sens du cabotinage et la coolitude arrogante qui ont fait de lui un acteur disposant de sa réplique au Musée Grévin, mais ça tombe à l’eau. Amitabh Bachchan, mythe national et version locale – et à connotation sociale – du vigilante dans les années 1970, est lui bien loin de son charisme d’antan. Les rôles principaux sont un maillon faible du film. A moins que Ranbir Kapoor et Alia Bhatt ne soient pas aidés par les dialogues. Restent l’idée charmante du briquet zippo à superpouvoirs et deux passages de comédie musicale rappelant le savoir-faire de Bollywood dans ce domaine.
Peut être les volets suivants seront-ils meilleurs, mais en l’état le film est plus sympathique dans ses intentions que réussi.
Ordell Robbie