Grosse soirée feelgood, durant laquelle la musique – surtout la plus bruyante – nous a rendu notre joie de vivre : LIFE et This Will Destroy Your Ears, c’est de la bonne came pour se sentir heureux !
Un peu de retard à l’allumage pour LIFE qui est attendu comme le messie après plusieurs annulations successives à cause du Covid, mais aussi avec quelque circonspection par les fans de la première heure, peu enchantés par le virage du groupe vers une musique plus abstraite, expérimentale parfois, loin du plaisir punk rock direct de la première époque.
20h30 : Dès que le trio du « pays de la chocolatine » (ils sont d’Hossegor et revendiquent ne pas avoir d’accent…) débute son set, il est impossible de quitter des yeux l’incroyable batteuse au centre de la scène : elle tape sur ses fûts comme si sa vie en dépendait, ou comme si – c’est une autre opinion – c’était ce soir le dernier concert de sa vie. Elle semblera parfois quasi s’envoler durant les 40 minutes du set incendiaire de This Will Destroy Your Ears, et elle suffirait à elle seule à faire notre bonheur, à réaffirmer notre foi dans le rock’n’roll, surtout quand il est bruyant et brutal comme ça. A sa droite, il y a un bassiste prodigieux, avec un son de basse saturé et distordu comme on en entend rarement. A gauche, le chanteur – trahi ce soir par son micro – / guitariste qui fait du bruit par-dessus cette rythmique exceptionnelle. Le premier morceau du set est une merveille psyché noisy et on se dit qu’on va voir un autre groupe français prodigieux. Tous les titres ne seront pas au même niveau et le set va souffrir de passages à vide, avec des chansons manquant soit de structure, soit de mélodies. Heureusement, le final est impeccable et instaure notre admiration totale pour This Will Destroy Your Ears : une grosse, grosse joie…
21h45 : Il n’y avait en fait aucun souci à se faire pour LIFE, tant le trio infernal formé par Mez (chanteur joli cœur), Loz (la bassiste la plus extravertie et la plus… mobile qu’il nous ait été donné de voir) et Mick (le guitariste responsable à lui seul de toute l’architecture sonore du groupe) nous a rapidement emballés, grâce à une dynamique scénique étonnante – et même rare en fait : on assistera durant les 65 minutes d’un set qui nous a paru trop court à une sorte de ballet continuel qui fascine et réjouit à la fois.
L’objectif ce soir de LIFE est d’actualiser son public quant à sa démarche musicale, puisqu’ils vont nous jouer ni plus ni moins que 10 des 11 titres de North East Coastal Town, leur nouvel album consacré à leur chère ville de Hull (la ville d’origine des fabuleux Housemartins, rappelons-le en passant !)… Et tant pis pour ceux qui en sont restés au punk rock brutal de Popular Music, dont seul le titre éponyme sera joué, et encore, beaucoup moins proche de l’esprit ’77 qu’à l’origine. Cela ne veut pas dire que LIFE soit devenu un groupe de rock adulte et calme, et Mez, le très joli garçon aux mimiques et aux pas de danse irrésistibles qui fait fondre tous les cœurs (et qui nous a paru cette fois moins arrogant qu’aux débuts du groupe) a eu tôt fait de mettre une pagaille noire dans la salle en descendant – et par deux fois – dans le moshpit. Et puis, il y a eu pour les nostalgiques du pogo des bombes du second album comme Moral Fibre (gueuler « Pissants, wooo ! », c’est quand même fun !), Hollow Thing (« I know, Just call me dangerous ! ») ou Excites Me. Et puis il y a Poison, le titre le plus radical du dernier disque, qui fait un gros effet.
« The drug I needed has always been here » : on a tous chanté en chœur le refrain magnifique de The Drug, mais c’est Shipping Forecast qui représente sans doute le meilleur du LIFE actuel, conjuguant cris de hooligans, psalmodie menaçante et chaos rythmique : un morceau qui laisse bien présager de l’avenir du groupe. Le formidable Bum Hour marque la fin de la partie la plus excitante du set, qui se conclut par un excellent Friends Without Names, suivi, de manière incompréhensible par le – à notre avis – médiocre, et interminable Duck Egg Blue, où même la voix de Mez, pas du tout dans le bon registre, déçoit. Il y a eu heureusement durant la dernière partie de la soirée cette belle émotion qu’on a pu lire dans les yeux de Mez, chanteur, danseur, mime, clown, pote : il était clairement étonné par la ferveur du public, et ravi d’être là, loin de la Grande-Bretagne, ce « shithole » comme il l’a décrite lui-même.
On est ressortis du Point Ephémère le cœur léger, joyeux même, grâce à ces deux groupes, qui, chacun dans son genre, ont joué la musique actuelle la plus généreuse – et bruyante, dieu merci ! – qui soit.
Photos : Robert Gil
Texte : Eric Debarnot