NEON, le nouvel album des Nits, conclut leur trilogie expérimentale, mais marque sans doute la fin d’une époque, par la force des choses, le passé du groupe ayant été, depuis, englouti dans un incendie catastrophique.
Il y a quelques mois, en mai 2022, la « maison » des Nits, leur Werf studio, brûlait. Le groupe y avait passé quarante années à composer, répéter, jouer, et l’incendie détruisait non seulement une grosse partie des instruments du groupes (certains, qui n’avaient pas brûlé, ayant été volés par des pilleurs alors que le site était encore fermé aux musiciens !), mais une mine d’enregistrements live du groupe, que nous n’entendrons donc jamais. Et surtout, c’était la mémoire du groupe – donc une grosse partie de leur identité – qui disparaissait en fumée. La seule bonne nouvelle était que les bandes du nouvel album, NEON, dont l’enregistrement était terminé, n’étaient pas dans le studio au moment du sinistre. Les fans des Nits décidèrent de contribuer financièrement – et généreusement – à la survie de leur groupe favori, en leur permettant de remplacer une partie du matériel perdu, et donc de respecter leurs engagements en termes de concerts. Le trio, désormais nomade, poursuit donc sa route, peut-être à la recherche d’une nouvelle maison…
NEON débute par un Sunday Painter qui renvoie assez paradoxalement à l’époque Work, avec ses sonorités électroniques prépondérantes et une sorte d’artificialité très eighties. Une piste intéressante pour ce titre qui est le plus accrocheur de l’album, mais une piste que NEON ne suivra pas, même s’il est clairement plus électronique qu’organique. Le complexe The Ghost Ranch, chanté à deux voix par Henk Hofstede et Robert Jan Stips, démarre comme un classique des Nits avant de s’effilocher de la plus étrange façon… A partir de là, on alternera entre ces fameuses plages expérimentales qui diviseront forcément le public et de courtes tentatives de retrouver la force émotionnelle des meilleurs moments de la longue discographie du groupe. On remarquera que Henk prend vocalement des risques, comme sur Peninsula par exemple, s’aventurent loin de la perfection formelle typique de la pop classique : bien entendu, le fait que les titres soient largement improvisés en studio les ouvre à des « surprises », à des « virages soudain », qui les font sortir des « canons pop ». Il reste que des titres comme Beromünster ou Lino Bo Bardi rejoignent néanmoins les plus belles réussites du groupe datant de l’époque où la composition des chansons était un processus plus traditionnel.
Si l’on ne peut s’empêcher d’être un peu déçus par un album clairement en deçà de ses deux prédécesseurs, comment ne pas admirer des vétérans qui prennent toujours autant de risques, qui sont toujours autant disposés à défricher de nouveaux territoires musicaux ?
La conclusion de NEON, The Weaver, que Henk présente comme une métaphore du travail artistique du groupe – mais également de la vie – confirme que le groupe n’a pas l’intention de raccrocher de sitôt, et Henk a exprimé en interview sa conviction d’avoir encore des choses à offrir. Se pourrait-il d’ailleurs que d’une catastrophe comme la destruction du Werf Studio devienne un bien : en forçant le trio à trouver une nouvelle maison, de nouveaux rituels, de nouvelles techniques de composition et d’enregistrement, ce bouleversement pourrait bien être l’occasion rêvée pour le groupe de se réinventer encore une fois. C’est peu de dire qu’on attend la suite avec beaucoup d’impatience !
Eric Debarnot