Thomas Dutertre un cadre supérieur de l’ANPE obligé d’appliquer des méthodes déshumanisées pour réduire le nombre de demandeurs d’emploi, craque sous la pression. Un roman qui parle des marchands de spiritualité et des logiques de rendement au détriment de l’humain.
Thomas Dutertre arrive dans un centre qui ressemble étrangement à un ashram indien ou une lamaserie tibétaine, il a promis à sa femme d’y suivre avec attention et application la retraite méditative qui devrait le tirer de la profonde dépression dans laquelle il a sombré après avoir connu de graves ennuis professionnels. Dans ce centre, Arnaud, celui qui fait office de gourou, et son équipe organisent des stages de Vipassana, une pratique de méditation tibétaine importée par un Anglais l’ayant récupérée auprès d’un Rempoche quelconque, dans les récits ésotériques tibétains, il y a toujours un Rempoche de service.
Thomas entre dans le jeu sans enthousiasme et se rend vite compte que la méthode appliquée n’est qu’un attrape nigaud destiné à tirer le maximum d’argent à des gogos trop crédules et pas assez pauvres pour s’interroger sur le bienfondé de cette retraite. Il découvre vite les divers subterfuges utilisés par le gourou dans un décorum destiné à mettre le patient trop crédule dans les meilleures conditions pour avaler tout ce qu’il leur propose. Il considère cette retraite comme un véritable abus de faiblesse envers des personnes psychologiquement fragile. Conduisant sa propre réflexion, il mitonne un plan pour s’échapper de ce sinistre lieu niché dans la montagne ardéchoise et ourdit une machinerie diabolique pour régler ses problèmes professionnels sans se préoccuper des conséquences pour sa personne.
Il exerçait de hautes fonctions à l’Agence régionale de l’ANPE de Toulouse quand un nouveau directeur régional est arrivé en même temps que de nouvelles orientations et de nouveaux objectifs. Il fallait réduire de façon drastique le nombre de chômeurs et pour cela le nouveau directeur a importé ses nouvelles méthodes de management, les mêmes que celles que tous ceux qui, comme moi, ont travaillé dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix ont dû subir. Des méthodes fondées sur des chiffres, des pourcentages, des courbes, des moyennes, des écarts types, …, et une méthodologie productiviste n’ayant pas plus d’égards pour les allocataires que pour les salariée de l’Agence. La machine infernale en a fait craquer plus d’un dont Thomas. Celui-ci décide de se rebeller et de détruire le système qui l’a démoli.
Dans ce roman qui pourrait presque être un témoignage, Clément Baudouin décrit avec une grande précision l’exploitation de la crédulité humaine par les marchands de spiritualité à deux sous et la tout aussi perverse utilisation des employés d’une agence nationale à des fins économiques mais surtout politiques. L’explication est simple, claire, limpide, on a l’impression que Clément a travaillé dans cette agence à cette époque et qu’il a fait lui-même cette retraite bidon. J’ajouterai que j’ai noté de nombreux mots rares dans ce texte, ceci démontre la belle érudition de l’auteur.
Denis Billamboz