Retour en demi-teinte pour Michael Mann, aux premières manettes de cette mini-série policière dans le milieu des yakuzas japonais. La machine visuelle, aux allures de bel objet sophistiqué, tourne un peu à vide. On s’explique.
L’un des principaux problèmes que l’on trouve dans la production sérielle depuis un moment, reste les productions « starisées » aux commandes, dont l’aura reste gage publicitaire de qualité, mais qui quitte le navire une fois l’embarquement lancé. Avec pour seule autorité un pilote de saison, qui promet une intégralité alléchante. Et qui ne l’est finalement pas. Dernière victime : la série produite et imaginée par Michael Mann, qu’on avait perdu depuis 2015, habile faiseur d’images (on se souvient des confrontations de Heat ou des visuels nocturnes urbains dans Collateral ) possède une belle intro – réalisée par ce dernier – et les sept épisodes suivants qui s’enchaînent mollement et sans saveur. Un bel arbre, sophistiqué et rigoureux, qui cache une forêt poussive et ennuyeuse.
La faute déjà au scénario : Tokyo Vice reprend les codes du thriller urbain couplé au film de mafieux, là où Scorsese l’avait laissé (en ayant d’ailleurs fait un peu le tour de la question…) et surtout Takeshi Kitano (plus spécifiquement autour des yakuzas, la mafia japonaise avec ses codes et rituels bien précis). Il faut vraiment n’avoir vu aucun des films de ces deux cinéastes pour rester subjugué ou étonné par le milieu singulier dans lequel se déroule l’intrigue. Mann y rajoute une histoire vraie, celle autobiographique du journaliste américain Jake Adelstein, embauché dans le plus grand journal quotidien nippon, et qui tentera d’infiltrer, via l’aide de la police, le monde des gangs locaux afin d’enquêter sur leurs agissements douteux. Intrigue convenue donc, et réalisation impeccable nécessaire pour forcer un minimum l’intérêt : si Mann y arrive (visuel impeccable, rythme à la fois mélancolique et très sombre), le reste s’avère beaucoup moins intéressant, peu inventif dans sa mise en scène, et assez laborieux dans sa progression. L’ennui pointe dans la première moitié de la saison, un sursaut dans son milieu qui accélère le tempo, puis un final trop rapide, trop de raccourcis pour rapidement clore les pistes lancées et peu creusées, et proposer des fins de parcours aux personnages dont on a lâché l’envie d’en savoir plus depuis un bail.
Gros problème de déséquilibre dans le rythme, gros problème aussi dans l’interprétation – un personnage principal sans charisme, des acteurs japonais souvent dans le surjeu, des personnages secondaires inexistants -, Tokyo Vice déçoit vraiment. Les rares moments de satisfaction devant son écran sont les décalages souvent drôles ou étonnants entre les us et coutumes japonais et américains, certains plans ou scènes inspirés et classes, et la révélation féminine Rachel Keller, qui impose son charme et son jeu assez fin pour un rôle vu mille fois au cinéma (hôtesse américaine de bar de luxe tiraillée entre la mafia et indic policière). Pour le reste, on est sur sa faim, avec une intrigue qui traîne en longueur, et pourtant une ouverture en fin de parcours qui promet en plus une seconde saison. Pas sûr qu’on y retourne…
Jean-françois Lahorgue