Un live report de notre envoyé spécial à Londres : le concert à l’O2 Arena donné le 14 octobre dernier par un Roxy Music « re-formé » pour les 50 ans d’anniversaire de leur premier album…
The Man who would be Bond.
Pour les 50 ans du premier album du groupe, Roxy Music a donc entrepris une tournée de reformation limitée aux Etats-Unis, au Canada et au Royaume-Uni. Avec peu de chances de dates supplémentaires : selon le saxophoniste Andy Mackay, le caractère limité dans la géographie et dans le temps de la proposition faite au groupe par un promoteur de concerts avait l’avantage d’éviter de longues et fatigantes tournées mondiales. Quelques jours après avoir accueilli les adieux du James Bond (tendance Roger Moore plus que Daniel Craig/Sean Connery) de la balle jaune (Roger Federer) l’O2 Arena était donc en ce 14 octobre le lieu d’escale londonienne d’un groupe dont le leader est sans doute le seul rocker qui aurait mérité d’interpréter 007. Car suite au départ de Brian Eno du groupe, Ferry a fini par remplacer le look glam androgyne des débuts par un chic plus synchrone de la fascination pour le cinéma hollywoodien classique incarnée par le nom du groupe.
Les deux Roxy.
La musique a pris le même pli. Le Roxy période Brian Eno était l’élève de l’approche arty introduite dans le rock par le Velvet Underground. Formé par des étudiants en art, le groupe souhaitait introduire une touche expérimentale et distanciée cousine de Warhol dans le rock. Ils deviendront une des figures de premier plan du Glam Rock. Si le premier album post-Eno (Stranded, dont aucun titre ne sera joué ce soir) portera encore les marques de cette approche, le groupe deviendra ensuite progressivement le vaisseau amiral des fantasmes de néo-crooner de Ferry. Mais en introduisant une approche atmosphérique qui culminera avec Avalon cette seconde manière ne sera pas moins influente que la première. L’ombre de ce Roxy-là se retrouvera aussi bien chez Talk Talk (Such a shame) que dans la musique visant une évasion totale du réel d’une bonne partie de la pop britannique « à synthétiseurs » du début des années 1980.
Ouverture mitigée.
Avant Roxy il y avait dans cette O2 Arena à l’acoustique nettement meilleure que celle de l’Accor Hotels Arena une première partie pas négligeable : celle de Nilüfer Yanya. Dont je tiens, à l’instar de pas mal de critiques musicaux, l’album Painless comme un des meilleurs albums anglais de l’année. Chez elle, il y a l’essentiel : savoir digérer ses influences et les recracher de manière personnelle. Mais ce court concert a confirmé qu’il manquait à ce vrai talent l’urgence offerte à leurs débuts par les révélations majeures de la musique anglaise. Reprendre live Rid of Me de PJ Harvey était alors se tirer une balle dans le pied tant les débuts de Polly Jean respiraient la volonté d’en découdre, de reprendre l’héritage du blues sans filtre intellectuel. L’intérêt du concert résida cependant dans un lieu inattendu avec Roxy : l’utilisation du saxophone ne sonnant ni jazzy ni mauvais Rock FM années 1980.
Grand guitariste et pilotage automatique.
Puis ce fut, au milieu d’une salle hélas composée exclusivement de places assises, l’arrivée de Roxy dans une formation comportant entre autres le trio Ferry/Manzanera/Mackay et le batteur de la période 1971-1980 (Paul Thompson). Avec un Ferry toujours dans son personnage de dandy BCBG jouant occasionnellement du synthétiseur. Dans un premier temps, le concert sera l’occasion de réévaluer un Phil Manzanera trop peu évoqué lorsqu’il s’agit de mentionner les guitaristes majeurs du rock anglais. Les parties de guitare accompagnant l’accélération de la seconde partie de In Every Dream Home a Heartache (fascinant morceau sur l’amour d’un homme pour une poupée) rappellent son apport à l’architecture du son Roxy. De même que celles de If there is Something, autre classique de la période Eno. Tout le début du concert tentera le balancier entre les deux manières de Roxy au travers d’un job exécuté avec professionnalisme mais une part de pilotage automatique. Sur l’écran géant seront projetés des clips évoquant aussi bien l’univers des Drive In que le surréalisme (Dali, Un Chien Andalou). Avant que le concert ne cale à mi-parcours en se focalisant sur la seconde manière de Roxy.
Réveil final.
Mais heureusement le concert va décoller avec les 8 derniers titres. Avec le langoureux Dance Away, le set est enfin traversé d’émotion et le public se lève. Ferry semble s’en rendre compte et fait durer longuement les applaudissements entre chaque morceau. Duo de chefs d’œuvre de fin de carrière (More than This/Avalon), funk avec Love is the Drug, une Editions of You durant lequel les portraits warholiens projetés rappellent les racines de la première manière du groupe, le classique Glam Virginia Plain, le sublime sifflotement de la reprise de Jealous Guy de John Lennon et le final en apothéose Do the Strand durant lequel photos et pochettes de disques du groupe défileront sur l’écran géant.
Un feu d’artifice final faisant oublier les limites nostalgiques de l’exercice. Mais après tout le groupe avait anticipé son futur en ouvrant son premier album (et ce concert d’ailleurs) par Re-make/Re-model.
Texte et photos : Ordell Robbie