Ouf ! En lisant Patricia Mazuy – l’échappée sauvage, on réalise qu’on n’est pas le seul à considérer cette réalisatrice comme l’une des plus passionnantes du cinéma français. Et on comprend mieux pourquoi son énergie et sa combattivité nous électrisent ainsi.
Pour accompagner la sortie de Bowling Saturne, le nouveau film de Patricia Mazuy, quoi de mieux que la lecture de Patricia Mazuy – l’échappée sauvage, la dernière parution de la collection Face B de chez Playlist Society, consacrée à la carrière de celle que certains – comme nous – considèrent comme l’une des réalisatrices les plus passionnantes du cinéma français, et qui reste pourtant ignorée, voire rejetée, par beaucoup. Il suffit de repenser à l’absence de succès de son dernier film, peut-être le meilleur de tous, le formidable Paul Sanchez est Revenu !, pour saisir toute l’injustice de cette indifférence de la grande presse comme du public vis à vis d’une œuvre aussi pleine de vitalité et de pertinence. Car depuis le rejet de son premier long métrage, le « western paysan » Peaux de Vaches, et si l’on excepte le succès raisonnable de son St Cyr (peut-être aidé par une combinaison de la réputation d’Isabelle Huppert et de l’attrait sur un public traditionnel du « film en costumes » ?), le parcours de Patricia Mazuy a été un long chemin de croix, parsemé de combats parfois violents contre les éléments adverses (production, financement, mais également ses propres limites techniques liées à son manque d’expérience…).
Ce qui fait que le récit que Patricia Mazuy nous livre de sa trajectoire de réalisatrice, au fil de l’interview mené par Quentin Mével et Séverine Rocaboy, ressemble à un récit picaresque typique : que de moulins à vents et même de véritables monstres (la politique et les jeux de pouvoirs au sein des chaînes de télévision co-productrices…) lui a-t-il fallu combattre pour que puissent exister ses 9 longs et moyens métrages sur 33 années, tous trop peu vus, voire même pour certains littéralement invisibles ! Quel courage, quelle folie aussi pour parvenir à ses fins, matérialiser ses idées dans un film qui existe, à la télévision ou au cinéma !
Du coup, les 140 pages de Patricia Mazuy – l’échappée sauvage se dévorent littéralement comme un thriller, mêlé de comédie burlesque. Car Patricia Mazuy n’est jamais complaisante, elle reconnaît toutes ses erreurs (certaines assez drôles), parfois causées par sa jeunesse et son ignorance, parfois par sa détermination à réaliser sa vision, quitte à passer outre les avis de gens dans son équipe ou parmi ses comédiens qui souffraient du chaos régnant sur le plateau. Patricia Mazuy a la grande honnêteté de ne jamais se positionner en artiste ou en victime. Elle reconnait les défauts de ses films, même et surtout ceux qui, à nous, nous échappent, et elle en assume bravement toute la responsabilité.
En refermant Patricia Mazuy – l’échappée sauvage, on aura mieux compris l’importance des bons décors dans une vision d’auteur (un sujet riche, et pas si souvent exposé par des metteurs en scène moins perfectionnistes sur ce point…), mais on saura surtout d’où vient l’enivrante exaltation qui nous saisit devant certaines scènes inoubliables de ses films : à l’image de Paul Sanchez, dressé sur le rocher de Roquebrune, surplombant le chaos des zones industrielles sans âme en contrebas, Patricia Mazuy est une folle et une combattante.
C’est ce que ce livre nous apprend, pardon, nous confirme. Et c’est pourquoi cette lecture nous ravit, en attendant la découverte de Bowling Saturne.