Vous étiez au Zénith devant les Libertines, hier soir ? Mauvaise pioche ! C’était à la Maroquinerie que ça se passait quand on aime le Rock à forte teneur d’excitation et de guitares saturées, mais aussi de mélodies joyeuses. On vous raconte cette soirée de folie…
Au même instant où les Libertines doivent se préparer à enflammer le Zénith rempli de fans extatiques, une poignée d’irréductibles gaulois résiste encore et toujours, et se presse devant la Maroquinerie pour écouter un groupe de sauvages venus du Mississipi, répondant au doux nom de Bass Drum of Death (soit la « Grosse Caisse de la Mort » !). Snobisme ? Anti-Dohertisme primaire ? Même pas, puisque Pete nous a profondément réjouis avec ses aventures avec Frédéric Lo à Etretat. Mais entre un groupe anglais qui conjugue désormais le Rock au passé et se reforme pour ramasser les dividendes tardifs de sa gloire, et des punks déterminés à mettre le feu par tous les moyens, le choix nous a semblé évident. Et facile.
20h : les Lyonnais de Johnnie Carwash sont assez omniprésents en ce moment, mais nul ne s’en plaindra tant les sets du groupe sont toujours une véritable fête : des chansons joyeuses – quel que soit leur sujet, il s’en dégage une formidable énergie positive ! – jouées à 100 à l’heure par un groupe qui recycle et modernise différents courants des années 90. Le batteur nous ébahit avec ses roulements à la Keith Moon, et nous fait rire avec ses plaisanteries. Le chant – féminin – a une suavité et une acidité qui surprend toujours. Le bassiste a un charisme dévastateur. Cette musique, en y réfléchissant, nous évoque, grâce à ce mélange détonnant d’humour espiègle et d’énergie grunge, un OVNI comme The Presidents of the USA. Johnnie Carwash ont tout bon, des blagues (le batteur annonce la fin du concert et le début du rappel au bout de 3 morceaux) à un audacieux virage final vers une musique plus sombre, plus complexe. 45 minutes qui confortent notre opinion sur cet excellent groupe.
21h15 : quinze minutes de retard sur l’horaire pour Bass Drum of Death, sans que ce soit un souci, car on sait que ce groupe à haut niveau d’énergie joue rarement plus d’une heure. Ils sont accueillis par une troupe de fans survoltés qui réclame : « Les acouphènes ! Les acouphènes ! », ce qui est un cri pour le moins original… Les fans seront peut-être déçus sur ce plan, le niveau sonore restant fort mais raisonnable (on est loin de l’approche outrancière d’un J. Mascis deux jours plus tôt au Trabendo), mais nul ne sera déçu par les cinquante cinq minutes que nous allons vivre, pas loin d’une certaine perfection dans le genre.
Bass Drum of Death opère en format trio, mais avec un twist : il n’y a pas de basse, et il y a deux guitares ! John Barrett, le fondateur du groupe (qui s’accompagnait en effet d’une grosse caisse à ses débuts d’homme-orchestre…), est à droite, chante et fait la rythmique, tandis que son frère Jim, sur la gauche, est responsable de la lead guitar, avec une avalanche de solos dévastateurs qui nous évoqueront parfois l’incandescence d’un Ty Segall.
Pour simplifier – et pour expliquer la magie de Bass Drum of Death en live –, la musique oscille entre deux pôles, pas forcément complémentaires, mais que la setlist gère des plus efficacement : d’une part les chansons purement punks, speedées et aux refrains mélodiques faciles à reprendre en chœur, qui sont idéales pour ouvrir (Nerve Jamming, absolument sublime ce soir…) et pour fermer le set (Crawling After You, conclusion parfaite de la soirée…) parce qu’elles mettent le feu aux poudres ; d’une autre, les morceaux plus lourds, plus lents, plus psychédéliques, où la guitare de Jim Barrett fait des merveilles (comme le récent Say Your Prayers), qui apportent de la consistance au concert. La recette est imparable, il faut bien le dire, et on se rend rapidement compte que la réputation de Bass Drum of Death est tout sauf usurpée : ce groupe propose l’une des plus fortes expériences live que l’on puisse vivre…
… à condition, bien entendu, d’avoir la santé : la fosse de la Maroquinerie est un véritable chaudron dans lequel il est facile de perdre pied. La scène est constamment envahie par des slammers, mais aussi couverte de spectateurs qui ne peuvent se retenir de basculer en avant sous la pression du mosh pit. A un moment donné, un des membres du service d’ordre de la salle, qui veut bien faire, semble s’affoler au chaos, et, redoutant les débordements, devient menaçant… avant d’être recadré : il serait en effet dommage que l’esprit bon enfant qui prévaut débouche sur de l’agressivité ! Le groupe lui-même semble un temps circonspect devant l’ébullition générale dans la fosse, mais là aussi, la bonne humeur prévaudra et tout se terminera par des sourires et des embrassades.
On sort de la Maro à 22h15, dans un état d’esprit de franche allégresse, malgré l’inévitable fatigue qui se fait ressentir après autant d’excitation. Comment ne pas plaindre ceux de nos amis qui ont fait l’impasse sur cette soirée exceptionnelle ?
Rock’n’Roll !
Texte : Eric Debarnot
Photos : Cédric Rizzo / Eric Debarnot