Après la réussite de Le Caire Confidentiel, on ne peut s’empêcher de ressentir une petite déception avec la Conspiration du Caire, le nouveau film de Tarik Saleh, qui préfère jouer la carte du thriller au dépens de ses ambitions politiques.
Tarik Saleh avait déjà pris la température bouillonnante de la capitale égyptienne dans Le Caire Confidentiel, où la corruption policière composait avec une ville au bord de l’explosion. Dans ce nouvel opus, opportunément titré en français La Conspiration du Caire pour mieux faire le lien avec le précédent, l’exploration géographique va se renouveler : l’université Al-Azhar, haut lieu de l’Islam sunnite y devient le condensé du pays, où une série de tractations, de lutte de pouvoir et d’influence vont concentrer toutes les problématiques contemporaines du pays.
Un nouvel arrivant, simple fils de pêcheur, permet la découverte de cette prestigieuse institution dans laquelle on va rapidement lui faire visiter de peu reluisantes coulisses. On peut, à bien des égards, y voir une transposition des luttes intestines au Vatican dans le troisième volet du Parrain, et l’instabilité permanente sur laquelle repose ce qu’on présente au pays comme un pilier du pouvoir et de l’érudition.
Le récit est donc avant tout un thriller, qui joue sur plusieurs niveaux de narration : du simple étudiant devenu un pion au commissaire de police, des citoyens de l’extérieurs aux sommités religieuses, l’essaim bourdonne surtout pour révéler le pire des hommes lorsqu’ils vivent en société. Cette opposition entre la vitrine cérémoniale et les compromissions de basse fosse nourrit une esthétique souvent très maitrisée. Tarik Saleh privilégie ainsi l’alternance entre les échelles, des parcours suffocants de l’individu (dans la promiscuité des chambrées saturées ou les corridors obscurs des souterrains) aux plans d’ensemble qui prennent la pleine mesure de la splendeur patrimoniale des lieux. Les vues depuis les tours, ou les plans sur la cour intérieure, notamment lors de l’impressionnant concours de chant, confèrent au récit d’indéniables qualités esthétiques, et attestent avec pertinence du travail obsessionnel de l’image mis en place par les tenanciers du pouvoir.
Le récit ne parvient pourtant pas à se maintenir au niveau de cette ambition visuelle ; désireux d’égratigner cette assemblée de Tartuffes, le cinéaste accumule les péripéties et les démonstrations les plus explicites (un imam à qui l’on doit commander des Big Mac, par exemple), l’intrigue ne faisant pas preuve d’une exigence irréprochable en termes de crédibilité. Le thriller, son rythme trépidant et ses retournements restent finalement un priorité, à l’image d’une série dont l’unique préoccupation serait de maintenir l’attention de son spectateur pour l’engager sur l’épisode suivant.
C’est dommage, car les retrouvailles avec l’acidité d’un brûlot à la Costa Gavras semblaient bien engagées.
Sergent Pepper