Le talentueux Mathieu Sapin alterne, avec succès, bandes dessinées pour la jeunesse (Akissi, Sardine de l’espace) et reportages politiques (Campagne Présidentielle, Le Château ou Carnet de campagne 2022). Le voici adaptant cette fois un classique de Tomi Ungerer.
« Des baisers ! Toujours des baisers ! hurle Jo. Je les déteste, je n’en veux pas ! Des baisers pour dire bonjour, bonsoir et merci ! Des baisers humides et poisseux, toujours des baisers ! » Jo est un jeune chat batailleur et rebelle qui ne supporte plus l’affection étouffante de sa mère.
Jo est l’une des nombreuses créations de Tomi Ungerer, le géant de l’illustration alsacien (1931-2019). Ce dernier avait prévenu son éditeur : son livre était destiné, avant tout, aux enfants ! En 1976, lors de sa publication aux États-Unis, il le présenta comme autobiographique. Il avait donc été ce petit garçon adulé par sa maman qui refusait de le voir grandir. L’album a été mal accueilli par les très puritaines grandes personnes américaines, ne mettait-il pas en péril le modèle familial ? C’est d’autant plus injuste que Jo, à la fin du livre, parviendra à renouer le lien, certes rudement ébranlé, avec sa mère, sans pour autant se laisser embrasser. Le trop anarchiste Ungerer prendra, une dernière fois, ses valises et finira sa vie en Irlande.
Que ce soit dans les textes ou les dessins, Mathieu Sapin livre une adaptation très respectueuse de l’album qu’il a, enfant, tant aimé. Rehaussé de quelques rares aplats de couleur numériques, son travail à l’encre de chine et aux lavis est extrêmement proche du dessin du maître. Les personnages sont malicieux et les décors soignés et datés. Si la cible est enfantine, l’histoire est universelle et touchera tous les grands enfants. Mais, quand Ungerer livrait seulement quelques illustrations accompagnées d’un court texte, laissant le lecteur libre d’imaginer le reste, Sapin développe l’histoire. Comblant les ellipses, il rend l’ensemble plus facile à lire et probablement plus abordable, lui élargissant son public. Pourquoi pas…
Stéphane de Boysson