Les légendes de l’indie rock étaient de passage à Paris le 27 octobre dernier à l’occasion de leur tournée anniversaire. Loin des clichés du genre, ils ont montré une fois de plus qu’aucun groupe ne leur ressemble.
À chaque interview depuis la fin du groupe, en 1999 dans les faits, en 2000 par communiqué officiel, Stephen Malkmus devait répondre à la même question : “allez-vous vous reformer” ? Le cofondateur et la plume de Pavement, dont l’excellente carrière solo prenait son envol, évitait d’y répondre ou posait une condition stricte : il fallait que cela soit exceptionnel.
Pavement s’est donc reformé en 2010 pour une tournée anniversaire. À l’époque, les setlists faisaient la part belle aux deux premiers albums, entrés dans le panthéon du rock, puis à quelques morceaux sous forme de best of. Pas un mal, au contraire même, à en juger par les retours unanimes du public et de la presse. De quoi remettre le couvert pour un deuxième anniversaire, dix ans plus tard.
Pandémie oblige, c’est en 2022 que Pavement fait son grand retour sur scène. Après un tour de chauffe aux deux dates du festival Primavera, au printemps, la tournée a réellement commencé aux États-Unis, avant d’enchaîner sur l’Europe. Alors qu’attendre d’un groupe de cinquantenaires qui tourne une deuxième fois, 20 ans après leur séparation ? Une bombe qui déjoue tous les pièges de ce type d’exercice.
Toute une salle debout
Le Grand Rex affiche complet, même si la salle est encore clairsemée pour la très bonne première partie donnée par les franco-australiens de The Wonder, qui jouent une pop des plus classiques, mais avec un supplément d’âme qui permet de faire la différence. Injuste pour eux, même si les spectateurs présents semblent réceptifs.
Changement radical d’ambiance avant l’entrée de la tête d’affiche. La foule se masse déjà au pied de la scène, seuls les spectateurs des deux balcons restent assis, pour l’instant. Si la moyenne d’âge tourne autour de la cinquantaine, le public s’est un peu rajeuni par rapport à 2010 et l’enthousiasme est aussi palpable d’une génération à l’autre quand résonnent les premières notes de Grounded.
Malkmus, plus réservé qu’à Londres quelques jours auparavant, est en mode nonchalant mais assure néanmoins le show avec son jeu de guitare unique. Spiral Stairs chante deux morceaux (Two States et le rare Painted Soldiers) et semble particulièrement en forme tandis que Bob Nastanovich électrise la foule sur les morceaux les plus punchy (Debris Slide et Serpentine Pad, notamment).
Les fauteuils sont laissés vides, tout le monde danse, saute, hurle, voire monte sur scène (étrangement sur une ballade, Spit On A Stranger, timing qui amuse certains membres du groupe mais semble énerver Stephen Malkmus).
Deep cuts et classiques
Si les classiques sont bien présents, les deep cuts sont à l’honneur, comme cela a été le cas tout au long de cette tournée. Loin de se contenter de jouer ses plus fameux singles, le groupe a potassé sa discographie et propose pas moins d’une cinquantaine de titres qui vont de leurs premiers EPs à Terror Twilight, injustement négligé en 2010. C’est donc une tournée de fans, pour les fans, au risque d’en perdre certains en chemin. À la fin du concert, dans les couloirs du Grand Rex et les bars attenants, des spectateurs n’hésitent d’ailleurs pas à faire part de leur déception face à une setlist qui ne correspondait pas à leurs attentes.
C’est pourtant toute la force du Pavement mouture 2022 : jouer des titres variés, issus de tous leurs projets (y compris une bande originale), avec un savoir-faire inédit. Ce soir, les musiciens ont montré que leur réputation de slackers n’avait pas lieu d’être. Pavement maîtrise son répertoire et se permet même des passages à la limite du psychédélisme, avec des gros jams sur Type Slowly ou Pueblo, pépite exhumée de Wowee Zowee, non jouée depuis la sortie de cet album, en 1995.
Le rappel, composé exclusivement de morceaux des deux premiers albums, rassure toutefois les plus sceptiques avant de s’achever sur le monumental Fillmore Jive, chant du cygne d’un groupe qui vit probablement sa dernière itération. On ne leur en voudra pas de partir au sommet.
Texte : Maxime Meyer
Photos : Cédric Rizzo