Ti West imagine en 1979 un tournage de film pornographique qui vire au massacre. Un formidable hommage à Tobe Hooper pour un film qui bénéficie en outre d’un montage et d’une mise mise en scène très réussis. Une très bonne surprise !
Je ne sais pas de quelle faille spatio-temporelle est sorti le réalisateur Ti West, mais je suis bien content qu’il soit tombé dedans. Hormis ses participations très oubliables aux anthologies V/H/S et Abc’s of death, sa filmographie (House of the Devil / The Innkeepers / Cabin Fever 2 et dans une bien moindre mesure The Sacrement) est une constante référence à ce que l’horreur et l’épouvante faisaient de mieux dans les années 70/80. Ti West nous revient avec X pour un formidable hommage à Tobe Hooper mais pas que…
X nous replonge donc en 1979 avec l’équipe de tournage d’un film pornographique qui compte bien profiter du nouveau marché juteux de la VHS. La petite bande a loué pour l’occasion la dépendance d’une ferme texane afin d’y tourner Fermières à la Campagne. Leurs hôtes, un vieux couple un peu bizarre, va assez vite se révéler plutôt dangereux.
Dès son magnifique plan d’ouverture en faux 4/3 sur une baraque écrasée de chaleur semblant sortir tout droit de Texas Chainsaw Massacre, Ti West réalise une belle entrée en matière, convoquant à la fois le meilleur du passé pour s’élargir ensuite avec une approche plus actuelle. Et même si, dans un premier temps, on aura une légère sensation d’hommage un peu figé à Tobe Hooper avec son lot de clichés, Ti West réussit le tour de force d’imposer son ambiance, ses enjeux, son regard de réalisateur et surtout des personnages un peu plus complexes que de simples futures victimes. C’est particulièrement le cas de Maxine, starlette du X sous cocaïne rêvant de gloire, interprétée par une formidable Mia Goth qui tient aussi le rôle de la vieille Pearl. Mais surtout et une nouvelle fois, Ti West fait preuve d’une extrême élégance et efficacité de mise en scène en n’ayant jamais besoin de « jump scare » pour instaurer un climat poisseux de malaise ; il suffit de voir la maîtrise du montage et de la mise en scène de la séquence de la baignade de Maxine avec un alligator qui rôde autour d’elle pour mesurer tout le talent de Ti West. Et des séquences réussies, assorties de belles trouvailles visuelles, X en comporte suffisamment pour qu’on en salue la qualité. La bande son est elle aussi une petite merveille tant pour sa B.O. seventies que pour son sound design assez crispant.
Mais l’une des grandes forces de X, c’est de totalement venir entremêler les pulsions de mort et de sexe à travers une histoire finalement aussi émouvante que tordue. Certes, le sexe et ses symboles sont inhérents au cinéma d’horreur – de la forme phallique des armes des psychopathes en passant par l’érotisme fétichiste du Giallo, le « rape and revenge » ou la punition symbolique du péché sexuel dans le slasher – mais rarement un film en aura fait à ce point le moteur poisseux et moite de son intrigue.
Ti West évite déjà le cliché du tueur pudibond et illuminé venant punir au nom de la morale ou de la religion ce tournage de « film de boules ». Il va plus loin encore, faisant de la pulsion sexuelle inassouvie le vecteur de toute la violence. Ce qui est fabriqué artificiellement pour nous exciter devient ici ce qui réveille les pulsions de mort par le prisme de la jalousie, de la frustration et de l’envie. Et lorsque l’horreur s’exprime, Ti West utilise une violence bien sèche, froide et très premier degré… même si le film contient aussi quelques respirations plus humoristiques.
X est donc une très bonne surprise, et Ti West confirme qu’il fait partie des réalisateurs de film de genre les plus sincères et talentueux du moment.
Freddy K