Avec son nouveau film, Lukas Dhont pose un regard toujours distancié sur le lien qui unit deux amis de 13 ans et sur le drame qui va les séparer. Un film qui parle de l’immatérialité de la perte d’un être cher.
Dans Girl, Lukas Dhont approchait déjà sa caméra du mystère adolescent : avec une certaine pudeur, il avouait, dans les silences et les approches prudentes, l’incapacité à formuler clairement les élans d’un individu, tout en l’accompagnant avec bienveillance et fascination. Le principe sera le même dans Close, qui reprend, dans son titre même, le lien qui unit deux amis de 13 ans, et la façon dont le cinéaste va les suivre.
Un long temps sera donc accordé à cette complicité innocente qui caractérise l’enfance, qui brille ici, sans qu’ils s’en aperçoivent d’abord, de ses derniers feux. Des jeux aux bagarres, de la chambre partagée aux trajets à vélo, le duo se caractérise par une spontanéité constante qui ressemble à une journée de vacances, sans entraves et au principe de plaisir, accompagnée par deux familles baignées par la même insouciance.
Le retour dans la collectivité constitue le premier pas vers une prise de conscience : la fusion des deux amis pose question, sans que cela mène pour autant à une stigmatisation. Il s’agit, néanmoins, de définir ce qui n’avait pas eu besoin de l’être, et d’opter pour un choix identitaire. Ce pas infranchissable conduit à une distanciation qui va nourrir toute la suite du récit.
Léo, rivé derrière les grilles de son casque de hockey, prend donc le parti de délimiter une ligne claire, dans une phase cruelle qui le sépare d’un ami démuni. Les silences, qui irradiaient de complicité, sont désormais des coups de poignard. Car dans ce drame poignant, la catharsis reste toujours hors-champ : la disparition de Rémi est un gouffre qui propulse Léo sur le devant de la scène. On attend de lui une réaction, on exige une extériorisation qui ne vient pas, et qui ne serait de toute façon pas fidèle à ce qu’il ressent réellement. Close s’attache à cette immatérialité de la perte : ce fardeau trop lourd pour un enfant, cet impensable pour une mère, et la manière dont ils vont devoir cheminer sous un poids qui les mine. La relation qui s’établit progressivement avec la mère de Rémi (Emilie Dequenne, absolument fantastique), nourrie de non-dits, prolonge autant une tendresse perdue qu’elle tente de poser des mots sur l’indicible.
Cette quasi-absence de récit prend donc le pouls d’un parcours mutique. Si Dhont ne renonce pas à certaines facilités (un abus de musique, quelques filtres Insta pour des courses dans les champs de fleurs), son approche garde toujours la juste distance, comme un aveu d’impuissance face au drame et l’impossibilité d’y faire succéder un élément narratif de résolution. En contemplant sur les visages la souffrance d’êtres dévorés par des questions insolubles, ce silence se fait la chambre d’écho de véritables tempêtes émotionnelles.
Sergent Pepper