Encore une belle réussite en matière de mini-série britannique : the Devil’s Hour séduira aussi bien les amateurs de puzzles mentaux exigeant une attention extrême que les amoureux de thrillers fantastiques intenses. Pour une fois, on adorerait une suite…
L’heure du diable ? 3 :33 du matin. On imagine qu’il était difficile de parler de 6 :66, donc la moitié faisait l’affaire. En tous cas c’est l’heure où chaque nuit Lucy Chambers se réveille d’un cauchemar atroce. Lucy n’a pas la vie facile : assistante sociale, elle élève seule Isaac, son fils qui a toutes les apparences de l’autisme sans être pour autant diagnostiqué comme tel, depuis qu’elle a mis à la porte un mari qui ne supportait plus la vue de l’enfant. Mais Lucy comprend Isaac : si, lui, parle à des gens qui ne sont pas là, elle voit quant à elle des choses et des gens apparaître et changer en permanence dans sa « réalité ». En parallèle, la police britannique, menée par l’inspecteur Dhillon, traque un serial killer qui sévit depuis des années, et finit par l’arrêter alors qu’il s’en prend à Lucy.
The Devil’s Hour, mini-série britannique en 6 épisodes – produite par le même Steven Moffat qui nous a offert Sherlock – nous est vendue comme un thriller psychologique, alors qu’on va clairement basculer dans un thème fantastique, voire de science-fiction. Mais le court résumé ci-dessus ne saurait être jugé comme « divulgachant » quoique ce soit. Car l’un des grands intérêts de The Devil’s Hour, c’est l’hyper complexité de son scénario, et l’incroyable succession d’évènements qui semblent d’abord incohérents, puis qui vont peu à peu faire sens, jusqu’à une explication finale inattendue : toutes les hypothèses qu’on a pu imaginer au cours des 5 premiers épisodes se trouvent démontées par le dernier épisode, réellement étonnant… mais un tantinet frustrant car, s’il explique parfaitement toute la mécanique de l’imbroglio auquel nous venons d’assister, il reste de nombreux points qu’on aimerait voir précisés… Ce qui nous amène, fait relativement rare dans la série TV contemporaine, à espérer une seconde saison qui creuserait certains sujets semblant ici laissés en suspens.
Ceci posé, et après l’avertissement indispensable à qui s’embarquerait dans le visionnage de The Devil’s Hour puisqu’il s’agit d’une série méritant une attention constante pour être compréhensible (rangez votre smartphone, pas question d’envoyer des textos pendant les 6 heures de la série !), Tom Moran a l’intelligence de ne pas compter que sur son scénario retors en forme de Rubik’s cube (qui peut d’ailleurs évoquer celui de Dark, l’étonnant chef d’œuvre allemand) et d’investir tout autant sur ses personnages.
Car ce qu’on aime surtout dans The Devil’s Hour, c’est la richesse et la complexité de ses personnages, pour lesquels on ressent rapidement une empathie transcendant notre intérêt habituel pour les thrillers. Et comme très souvent dans le cinéma ou la série britannique, c’est le talent des acteurs qui se met au service de personnages bien écrits : Jessica Raine est inoubliable dans le rôle de Lucy Chambers, belle femme blessée mais combattante infatigable ; Peter Capaldi compose un fascinant serial killer, très bowieien dans sa voix et son apparence, qui mérite d’entrer au panthéon du genre… Mais chaque personnage, jusqu’au second rôle le plus discret, est crédible et intéressant.
Vous l’avez compris, malgré sa discrétion et sa modestie, The Devil’s Hour est une nouvelle réussite de la télévision britannique, et un labyrinthe mental qui mérite un bingewatching sans compromis. Attention seulement aux cauchemars qui suivront !
Eric Debarnot