Le groupe londonien Skinshape a sorti un 7ème album tout en nostalgie, seulement 2 ans après son formidable Arrogance is the Death of Men. L’énigmatique et solitaire musicien derrière ce projet se livre à 100% dans ce récit introspectif et qualitatif.
La nostalgie, ce « regret mélancolique », ce doux sentiment du bonheur passé qui laisse un vide qu’on se plait à assoir sur nos genoux pour le caresser tendrement. Cette beauté des fleurs qui fanent, c’est un peu ce qu’a voulu nous transmettre William Dorey, alias Skinshape dans son 7ème album intitulé sobrement : Nostalgia sorti le 28 octobre dernier. Un parti pris très assumé donc, et franchement, même sans ça on aurait compris où voulait en venir le bon vieux Will. Enregistré chez Lewis Recording, Nostalgia est en quelque sorte le revers plus sombre d’Arrogance is the Death of men, son précédent opus sorti fin 2020 qui s’inscrivait dans un registre plus lumineux.
Coté production en revanche, on ne change pas les bonnes habitudes. Un enregistrement quasi-parfait, des mélodies qui ne ratent pas leurs cibles, et cette patte vintage nuageuse qui crée une ambiance si particulière, si chill. L’album se place encore comme une pépite qui on l’espère, gagnera les oreilles du grand public.
Will Dorey qui était initialement le producteur des très bons premiers EP’s du groupe Palace a bien grandi, et s’impose désormais comme un cador de la scène psyché londonienne.
Projet plutôt personnel et qui invite à l’introspection et au rêve, les titres de Nostalgia semblent touchés par ce vieux démon de la mélancolie. Les gammes majeures et mineures s’enlacent, sur les cordes de cette guitare acoustique qui nous transporte au-dessus des nuages, nous poussant de ce fait à contempler le vide qui subsiste en chacun de nous. La ballade Dreams of Panama est l’exemple parfait de ce que je viens de décrire. La guitare n’est pas le seul moyen d’expression du musicien. La palette de Skinshape se dévoile par une variété colossale d’instruments ; percussions, flutes et quelques rajoutent une dimension très orchestrale et beaucoup de puissance aux compositions. Après avoir exploré les profondeurs du psyché, du reggae et de la trip-hop, Skinshape a finalement développé à la croisée des ces genres une signature bien à lui. Un cocktail entre le rock psyché des années 60-70 et un folk enchanteur qu’on croirait sorti d’un conte de fée, bien qu’il subsiste cette patte reggae, dans le pattern rythmique de Moonlight Walk, ou dans le duo guitare-basse de Fish&Chips.
https://youtu.be/07ZmslQhv4A
Ce très organique et nuageux manifeste de la nostalgie, de la mélancolie et de la pureté musicale est un véritable délice aigre-doux. William Dorey, ou SkinShape, n’est pas quelqu’un qui se dévoile facilement. Comme beaucoup de jeunes, la musique a été pour Will l’exutoire à toutes les problématiques de sa vie personnelle, et ce disque en est quelque part l’aboutissement. Après de nombreux albums contemplatifs et expérimentaux, Skinshape révèle cartes sur table ce qui se trouve au plus profond de son cœur.
Un post instagram qui date du 1er novembre sur le compte de Skinshape nous exhorte à écouter cet album : « L’écouter dans sa profondeur car il représente la vie de son auteur, ses hauts, ses bas, les épisodes de déprime ou bien de bonheur. On ne pourrait pas prendre une chanson sortie de l’album et comprendre réellement sa portée », c’est lui qui le dit… Bon, il nous conseille aussi de l’écouter tranquillement en dégustant une boite de haricots et des pommes de terre, pas sûr qu’on se plie à cette exigence par contre, faut pas déconner.
Le psychédélisme de ses compositions fait foi d’un esprit en perpétuelle quête d’ascension, d’un Nirvana à atteindre, encore et toujours. Puisse cette recherche amener Skinshape à nous pondre un 8e album encore plus abouti ?
Rayhan Arrar