Avec Trois nuits par semaine, Florent Gouëlou signe un premier film sincère et bienveillant sur le milieu drag, mais sans aucune aspérité. Sans envie de s’arracher d’un plan-plan s’imposant sur tout le reste.
En un regard, une cigarette et un café, c’est plié. Baptiste tombe sous le charme de Cookie Kunty, et réciproquement, en mode coup de foudre tous les deux. Drag queen flamboyante, Cookie va entraîner Baptiste dans son monde ; monde de la nuit, des paillettes et du glam que Baptiste découvre, presque émerveillé, et jusqu’à décider d’en faire le sujet d’un projet photographique. Et puis ça va bouleverser leurs sentiments aussi, Cookie parce que c’est la première fois qu’elle tombe amoureuse, Baptiste parce que sa relation avec Cookie remet en question celle avec sa petite amie, Samia. S’il y a un point du film sur lequel on ne pourra ergoter, c’est bien celui de ne pas s’embarrasser des éternelles prises de tête existentielles. De ne pas circonscrire le scénario à une confusion des genres qui boufferait entièrement les personnages.
Qu’importe que Baptiste soit hétéro ou homo, et le fait est d’emblée établi (quitte, dans sa hâte, à maladroitement le caractériser en en faisant, toujours, une sorte de guide énamouré, de Candide sans véritable épaisseur) : Baptiste est simplement amoureux de Cookie/Quentin comme il l’a été de Samia, et cela ne fera pas plus débat que ça. Car le propos du film se concentre davantage sur l’exploration, à travers le regard de Baptiste (mais aussi de la société), du milieu drag (qui a connu cet été, des années après le succès de Priscilla, folle du désert, un regain de popularité avec l’émission Drag race France), de ses extravagances, de ses réalités et ses coulisses, pas toujours roses (la fatigue, la précarité, le prix des accessoires, les insultes…).
Si le film a donc au moins, à son crédit, ce mérite-là, il échoue en revanche à convaincre dans ses dialogues niveau mauvaise sitcom et ses situations d’un convenu à toute épreuve (la pauvre Hafsia Herzi en devient transparente, quand Pablo Pauly finit par irriter en trimballant constamment cet air d’ingénu au sourire béat). Convenu qui vient plomber la moindre tentative d’un peu de singularité, par exemple quand Baptiste essaie les gants de Cookie et se caresse avec, ou la soudaine référence à Divine dont on entend l’emblématique You think you’re a man, mais qu’on dirait plaquée là simplement pour le folklore, et certainement pas pour s’inspirer de son irrévérence utile.
Florent Gouëlou signe, certes, un premier film sincère et bienveillant (zéro misérabilisme, zéro voyeurisme), mais sans aucune aspérité, sans envie de s’arracher d’un plan-plan qui prend trop de place. Et, bien qu’il s’en explique (« Il est souvent dit que le drag est politique dans sa façon de déconstruire le genre ou sa manière de le questionner […] Pour ma part, ce qui est davantage politique, et c’est ce que j’ai souhaité raconter, c’est une réflexion sur la façon de faire société, sur la possibilité de cohabiter en étant tous différents »), sans réelle portée revendicative qui ferait bouger les lignes, proposerait, transgresserait, diluée in extenso dans les petits arrangements d’une romance calibrée.
Michaël Pigé