Plus que Jamais, le film d’Emily Atef, aborde la question de l’approche de la mort sous un angle original, et bénéficie surtout de la présence étrange de Vicky Krieps.
L’indicible étrangeté qui se dégage de la présence magnétique de Vicky Krieps ne peut qu’inspirer les cinéastes pour lui donner des rôles à sa mesure. Alors que son personnage se confrontait au deuil dans le poignant Serre moi fort de Mathieu Amalric, la voici face à l’imminence de sa propre disparition. Plus que jamais suit ainsi le parcours d’une femme qui se sait condamnée, et va devoir choisir la manière dont elle se retirera du monde des vivants.
La question a rarement été abordée sous cet angle, et c’est là l’intérêt premier de ce récit : Hélène prend la décision du départ, en expliquant avoir besoin d’espace, laissant sur le carreau son mari Mathieu et les proches qui, dans un prologue sur le quotidien, ne parviennent à trouver la posture adéquate. Ce malaise, cette impossibilité d’accéder à celui qui se sait sur le départ est le sujet central du film, et bouscule les représentations communément admises : « C’est pas comme ça que ça se passe. Dans ces moments, on est entouré des gens qu’on aime », lui assène son mari, convaincu de pouvoir apporter, par son amour et sa présence, ce qui pourrait s’apparenter à du réconfort.
Plus que jamais est un récit initiatique dont la ligne d’horizon est la mort : le voyage offert, à une candidate qui n’en demandait pas tant, vers une destination qui ne peut que laisser les autres à domicile, et impose, sur une durée trop courte, toute la sagesse d’une existence. Cette condensation se déploie donc à la faveur d’une échappée en Norvège, pour rejoindre un autre isolé, dans une contrée à l’exotisme adéquat, où le soleil ne se couche presque plus, et la connexion au monde suppose l’ascension d’une montagne. La retraite d’Hélène n’aura rien d’un ermitage philosophique avec son lot d’aphorismes sur la vie et l’acceptation. C’est, plus simplement, le choix de l’antichambre avant le grand départ, dénuée des déchirures, et en harmonie avec un lieu plus grand et paisible que soi.
L’itinéraire de délestage est donc aussi celui des attendus propres au mélodrame : si le retour de Mathieu occasionne quelques rechutes assez maladroites, c’est pour mieux montrer à quel point Hélène avait vu juste en quittant son appartement et tous ceux qui désiraient gauchement la soutenir. La décision est cruelle, et elle laisse ceux qui restent sur le carreau ; elle n’en est pas moins légitime, et offre une autre approche de l’inéluctable, qui ferait de la condamnée une femme ayant encore à s’accomplir avant de s’en aller : ce sera le cas dans son regard sur le paysage, ou sa reconquête d’un corps qui pourra étreindre une dernière fois l’homme qu’elle aime.
La déchirure et l’adieu se parent donc d’une sérénité nouvelle, et d’une autre forme d’acceptation : à celle d’une femme qui regarde son destin bien en face succède celui qui accepte son choix, et la laisse par amour suivre le chemin qu’elle s’est tracé. Et la séquence finale, bouleversante, s’épaissit d’un raccord funeste de la fiction à la réalité lorsque le spectateur sait que celui qui part est aussi Gaspard Ulliel, dont c’est ici la dernière apparition à l’écran.
Sergent Pepper