Pour les lecteurs assidus de cette série hors normes, ce tome 3 ne sera certainement pas une mauvaise nouvelle ! Lehman et Peeters sont définitivement à la pointe du genre franco-belge et le prouvent ici avec brio.
Alerté par Madame Dombre, le privé Philippe Sangaré vient tout juste de débarquer à Saint-Elme pour retrouver son frère Franck disparu. Alors que ce dernier était sur le point de mettre la main sur Cavalieri, les choses ont mal tourné et le détective est désormais retenu prisonnier par Jansky, le flic véreux au service de la famille Sax. Le « patron » de la ville réputée pour son eau minérale, Roland Sax, est quant à lui toujours opposé à ce mystérieux « projet 2.0 » initié par sa fille Tania, avec le soutien de son père Grégor.
Au fil des tomes, Saint-Elme creuse tranquillement (si on peut dire) son sillon. Son univers étrange, voire fantastique, pour un récit ayant plus à voir avec le polar « hardboiled », ainsi que son intrigue et ses personnages, bien structurés psychologiquement, nous sont désormais familiers. La série rencontre d’ailleurs un joli succès, qui vient confirmer que la collaboration entre Serge Lehman et Frederik Peeters était plus que pertinente.
Ce tome 3 poursuit donc sur sa lancée, avec son lot de bagarres et de meurtres, le tout dans une atmosphère fascinante renforcée par ces extraordinaires couleurs fluorescentes soulignant la violence implacable de l’action et conférant au récit une ambiance nocturne et survoltée. L’image marquante de cet épisode – laquelle a d’ailleurs inspiré la couverture — restera liée à l’évasion de Franck Sangaré, dans une scène dantesque où l’homme apparaît transfiguré, de l’eau jusqu’aux hanches, dans un conduit souterrain aux couleurs verdâtres. Gravement brûlé au visage et sur le corps, Sangaré n’est plus que l’ombre de lui-même ou plutôt semble s’être transformé en monstre mû par la douleur. Le détective est devenu une sorte de créature des marais, les grenouilles lui recouvrant le corps étant devenues ses confidentes… Quant à Cavalieri, dit le Derviche, il reste sans conteste le personnage le plus effrayant, saisi par un délire mystique provoqué par des substances hallucinogènes qui l’ont rendu plus redoutable et plus imprévisible.
Avec ce Porteur de mauvaises nouvelles, la narration semble avoir définitivement trouvé son rythme de croisière, installant sans coup férir Saint-Elme au rang des séries BD culte, bénéficiant d’un scénario travaillé et d’une iconographie innovante pour un récit qui s’inscrit dans le roman noir. Et nous, pauvres lecteurs impatients, de nous languir de la suite…
Laurent Proudhon