Encore un sacré album de Rock, beau comme un classique, produit par un groupe sorti de nulle part, du désert australien : inutile d’essayer d’expliquer l’inexplicable, il suffit d’ouvrir grand nos oreilles, de fermer les yeux et de se laisser aller…
Et si l’Australie, plus encore que le Canada, mais bien loin devant des pays jadis phares comme la Grande-Bretagne ou les USA, était devenu LE pays où l’on compose et joue le Rock le plus intéressant, le plus aventureux, mais aussi le plus sincère, le plus fidèle à l’esprit du genre, de la planète ? Car il n’y a pas une semaine où l’on ne s’extasie pas sur une nouvelle sortie d’une bande d’inconnus qui nous explosent soit la tête, soit le cœur, avec une dizaine de chansons qui appuient sans vergogne sur tous les boutons qui déclenchent chez nous le plaisir absolu. Cette semaine, écoutons donc – et célébrons Los Palms, le quintet originaire d’Adelaide, qui vient de sortir l’album le plus directement excitant de la semaine (pour le mois, on verra plus tard) : ça s’appelle Skeleton Ranch, ça dure 35 minutes (qui a dit 5 minutes de trop ?) et c’est leur premier album…
… soit 35 minutes de pure perfection rock’n’roll, sur lesquelles on peut jouer sans fin aux étiquettes qu’on colle et qui se décollent : les cinq chevelus qui posent souvent avec des lunettes de soleil mais qui ne ressemblent absolument à rien, et surtout pas à des gravures de mode (dieu les bénisse !) définissent leur musique comme du « romantic desert jangle », ce qu’on qualifiera sans crainte de bullshit marketing inutile, voire de horseshit bien fumante. Pour nous, même s’ils vivent dans le désert, même s’ils ne craignent pas une chanson lente et donc romantique de temps en temps (Cadillac est, de fait, une très belle dérive pleine de doux (?) sentiments), même s’ils mettent une tonne d’écho sur la voix du chanteur et ont des guitares qui carillonnent comme s’ils n’avaient jamais écouté que The Shadows dans leur vie (l’intro de Sorrows est presque une caricature d’Apache !), ce disque est juste un f…g disque de pur rock’n’roll. Avec, dedans, une bonne dose de mélodies faciles à chanter pour plaire aussi aux filles…
Scared of Saturday Nights, en intro, ferait une parfaite reprise pour les Fleshtones, sauf que le bon délire garage rock se teinte d’emblée d’une sorte de mélancolie morbide qui lui rajoute une formidable dose de charme. « I don’t wanna be cool », chantent Los Palms sur le titre du même nom : eh bien, c’est loupé, en dépit de ces fameuses dégaines que nous moquions plus haut, car cette musique est juste la définition du « cool », comme Jagger et Richards l’illustraient en 1965 ! Sur la plupart des titres, le chanteur sonne comme un croisement d’Iggy et Lee Hazelwood qui rêverait de la gloire internationale d’Alex Turner, mais, on l’a déjà dit, noyé dans une tonne d’écho. Sur Just A Sin, pour changer de la tonne de réverb sur les guitares, le solo orientalisant et strident vous vrille la tête de belle façon. Dead Man ressemblerait à un titre des Cramps si ces derniers avaient décidé un jour de faire une chanson « commerciale » pour emballer les filles. Sandy a tout d’un slow décharné que déverse une sono saturée dans une ballroom déserte, le tout dans un film de Jim Jarmush, et c’est incroyablement efficace quand on aime les images post-apocalyptiques : la classe absolue, quoi ! Sunday Death Drive est un grand morceau de surf music d’une splendeur presque caricaturale : le genre à pousser Tarantino à nous pondre un nouveau film qui se passe dans le désert australien juste pour y loger cette chanson.
Et l’album se clôt – déjà – par un Let’s Go To The Water aussi surplombant que définitif : une musique parfaite pour la fin du monde, oui, on l’a déjà dit, qui distille une mélancolie terminale sans oublier de tirer son chapeau aux ombres tremblantes d’un passé qui ne manquait pas de classe… Pas loin d’une certaine perfection euh… classique. Ça ressemble au secret retrouvé du Rock : comment honorer le passé de la manière la plus pertinente pour notre présent, tout en se moquant d’un futur qui a vraiment une salle tronche.
Eric Debarnot