Adapter en film – ou en série TV – Timothé Le Boucher, son esthétique si particulière et ses récits conceptuels très modernes, était tentant, mais ce premier essai s’avère un ratage complet.
En quelques années, Timothé Le Boucher est devenu l’un des jeunes auteurs de BD francophone le plus remarqué, et même célébré, grâce à la conjugaison de son élégante – et très neutre – esthétique « ligne claire » et de récits enrichissant des drames psychologiques intenses d’un fantastique conceptuel bien de notre époque. Il fallait évidemment s’attendre très rapidement à une adaptation en film ou en série de son travail, et Arte a donc été la première à bouger, appuyée par Netflix, en produisant ce Patient… qui n’est pas loin d’avoir tout faux, mais absolument TOUT faux !
L’histoire du Patient, c’est celle d’un adolescent émergeant, amnésique, d’un coma de plusieurs années, après avoir été retrouvé vivant, poignardé, au milieu de sa famille entièrement abattue au pistolet dans le pavillon familial. En parallèle à sa rééducation physique, une psychologue s’attache alors à l’aider à retrouver la mémoire. Ce qui révèlera, on s’en doute, une vérité bien différente de ce que les apparences laissaient attendre.
Pas un scénario follement original, admettons-le, mais la BD marquait des points en faisant une personnage principal un être complexe, ce qui faisait naître une relation paradoxale avec la psychiatre, fascinée par son patient. Pourtant, malgré l’intérêt tant esthétique que psychologique du matériau de départ, Christophe Charrier – remarqué avec son premier téléfilm, Jonas, en 2018 – a pris la décision, étonnante, absurde même, d’aller contre toute l’essence du travail de Le Boucher : au dépouillement esthétique, très conceptuel, de la BD, il substitue un réalisme ordinaire qui ne distingue pas le Patient de 99% de la production cinématographique française, tandis que le scénario opère des changements dans l’histoire – pas de spoilers ici – qui la banalisent… sans doute dans une recherche de vraisemblance accrue, mais aux dépends de toute symbolique. Bref, d’un livre certes imparfait, mais fascinant, Arte et Charrier ont tiré un film banal, au scénario lâche – avec ses fausses pistes gratuites qui montrent un indéniable manque de confiance de l’équipe en son sujet –, abusant de ficelles usées dès qu’il s’agit de créer de l’angoisse… et finalement très prévisible : ce n’est pas l’idée amusante de la dernière scène qui changera quelque chose à l’ennui et à l’irritation qu’on aura ressentis au cours de l’heure et demie précédente.
On ajoutera que Clotilde Hesme, qu’on a connu fascinante ailleurs, et le débutant Txomin Vergez ne font passer aucune émotion particulière pendant tout le film, ce qui pourrait être un choix valable pour conceptualiser le film, mais va à rebours de toutes les autres décisions d’écriture et de mise en scène prises par Charrier.
Bref, le Patient est un véritable ratage, et on se dit que Le Boucher méritait bien mieux.
Eric Debarnot