Dans un genre qui n’a pas encore donné de véritables merveilles sur les plateformes de streaming, la SF intelligente, The Peripheral place une première saison très plaisante, parfois impressionnante, à laquelle ne manque qu’un scénario mieux écrit.
Il y a au générique de The Peripheral (soit en français Périphériques, les Mondes de Flynne) une bonne et une mauvaise nouvelle : la bonne, c’est évidemment le nom de William Gibson, remarquable écrivain de Science-Fiction, encore peu adapté au cinéma ou en série TV, qui fait que tous les fans du genre ne pouvaient que trépigner de joie à la perspective de cette nouvelle série… ou au contraire, redouter le pire. Car la mauvaise nouvelle, c’est d’y trouver aussi le nom de l’ineffable Jonathan Nolan en tête de la liste des producteurs exécutifs ! L’homme incapable de raconter clairement la moindre histoire, y compris la plus simple, risquant de commander l’adaptation de l’un des auteurs les plus complexes qui soit… Heureusement, Amazon Studios a eu l’intelligence de nommer Scott B. Smith – l’auteur du renommé Un Plan Simple mis en scène par Sam Raimi – comme showrunner de cette série ambitieuse, potentiellement prestigieuse, nécessitant une débauche d’effets spéciaux.
Pour ceux qui ne connaîtraient pas William Gibson, tête de file du mouvement « cyperpunk », ses romans traitent régulièrement de l’évolution de la technologie et de son impact sur la société, mais surtout sur l’être humain lui-même. Dans The Peripheral, premier volume d’une trilogie intitulée Jackpot (le nom donné par Gibson à une fin du monde résultant de la convergence statistiquement improbable de plusieurs évènements destructeurs), une jeune femme, Flynne, vit avec son frère ex-marine, en pleine Amérique profonde dans un futur proche de nous. Elle se voit projetée dans un avenir lointain, post-apocalyptique, par le biais d’une technologie déguisée en réalité virtuelle pour jeux vidéos : elle se retrouve impliquée dans une guerre sans merci entre un mafieux russe impitoyable, Lev, et une entreprise toute-puissante dans le domaine de de la recherche, R.I.
Ce qui va fâcher les fans de l’œuvre originale, ce sont les nombreuses simplifications et déviations opérées par les scénaristes de The Peripheral, vis-à-vis du roman de Gibson, probablement inévitables étant donné la complexité de l’univers et des péripéties originales. Reste que le résultat n’est pas particulièrement clair pour autant, ce qui est quand même dommage, et s’avère le principal problème d’une série qui, pour le reste, coche toutes les bonnes cases.
Visuellement, The Peripheral est absolument superbe, regorgeant de belles idées en termes de décors, et présentant une version très crédible d’un futur dévasté par une apocalypse qui s’est nourrie de toutes les menaces pesant sur nous (effondrement écologique, terrorisme, menace nucléaire, pandémies…), mais poursuivant néanmoins un développement technologique basé sur l’A.I. et la virtualité. La mise en scène, confiée en particulier sur 4 épisodes à un spécialiste de la SF « intelligente », Vincenzo Natali (Cube, Wayward Pines, Westworld, etc.), est très soignée, mais c’est l’interprétation qui s’avère le gros point fort de la série : la radieuse Chloë Grace Moretz semble enfin adulte, réalisant tout son potentiel d’adolescente-star, et forme avec Jack Reynor (Midsommar) un duo frère-sœur fonctionnant parfaitement, tandis que dans des rôles secondaires fondamentaux, T’nia Miller (Years & Years, Bly Manor, Sex Education) et Alexandra Billings (Transparent) composent toutes deux des personnages inoubliables.
Riche en scènes d’action détonantes, en particulier dans la partie se déroulant dans le monde « actuel », n’hésitant pas à dépeindre des personnages complexes, paradoxaux, jamais manichéens (comme le fascinant tueur à gages qui apparaît dans la seconde partie de la série, et qu’on adore haïr et craindre), The Peripheral est décidément une série de SF de haut niveau… qui pour s’épanouir dans une seconde saison, ne demandera que des scénaristes un peu plus… intelligents (?).
Eric Debarnot