La musique de Simone Prattico qui mêle jazz et influences traditionnelles italiennes ne se leste pas de fausse rigueur. Son concert dans la charmante salle du Studio de l’Ermitage à Paris était l’opportunité de rencontrer un homme simple, chaleureux, et surtout excellent dans la rythmique !
Il est 20h30, le concert a officiellement débuté. Pourtant, l’artiste principal en polaire noire et bonnet fume une cigarette roulée en saluant un public frigorifié, réchauffé par la présence de ce sympathique italien, énergique malgré ses longs cheveux blancs parmi eux. L’occasion de dire bonjour aux copains, de présenter son épouse, qui pour la première fois en 10 ans a pris l’avion depuis l’Italie pour venir à un de ses concerts (sans les enfants en plus).
Quelques minutes plus tard, la chaleureuse salle du Studio de l’Ermitage nous accueille, son bar, ses projecteurs feutrées qui projettent le nom de la salle sur le grand rideau rouge contrastent en tout du froid glacial de l’extérieur. On s’installe, on rit par-dessus le comptoir et on présente untel à untel.
Simone Prattico n’est pas encore pressé, il salue amicalement les nouveaux arrivés, remercie ses amis d’être venus et organise encore les derniers préparatifs avec Yamilé Bengana, la gardienne des lieux.
21h15, le percussionniste s’installe sans prévenir sous un timide nuage d’applaudissement. Il est seul, il tapote, caresse ses toms comme pour les apprivoiser avant l’explosion. Puis l’explosion arrive, le batteur italien est rejoint sur scène par les deux musiciens qui, avec lui, formeront le trio principal de concert. Au piano, c’est Leonardo Montana qui s’assoit sur le tabouret en premier. Touché à la main par un accident survenu dans la semaine, le pianiste n’utilisera que sa main droite, et très bien ! Acelino de Paulo se saisit de la basse à cinq cordes qui se situe au fond de la scène, ça commence.
Le percussionniste se saisit de baguettes, des balais au gré de ses humeurs et des tempos qu’il impose avec maestria. Le trio alterne entre les vieux classiques de Brooklyn Sessions, le premier album, et les nouvelles pépites d’Undrio, le dernier. Bien plus à l’aise sur ces dernières le trio régale sur Quartieri spagnoli et nous téléporte dans ce quartier napolitain si animé duquel Simone nous parle avec humour. L’ambiance retombe sur Helene, la ballade écrite pour sa chère et tendre.
La setlist est un peu confuse pour les 3 artistes, mais quelque chose ne manque pas, la cohésion. Simone insiste à plusieurs reprises sur l’importance, non pas de ses amis, mais de sa famille comme il les appelle, et on la ressent cette fraternité. Durant tout le concert, Simone regarde ses musiciens en souriant, comme s’il allait leur jouer un mauvais tour, il était surement très heureux d’être avec eux. Il l’a répété souvent, car la promiscuité de ce Studio de l’Ermitage permet à Simone d’échanger avec son public, venu en nombre malgré la demi-finale du mondial de football. Avec beaucoup d’humour, l’artiste présente les invités, taquine ses musiciens et papote sur le sens de ses musiques et ses inspirations. Cette absence de barrière entre la scène et les spectateurs est vraiment un plus, on a l’impression de faire partie du spectacle, qui en plus d’être généreux, est d’une qualité très bonne qualité musicale.
En plus de Leo et Acelino, Simone fait monter sur scène d’autres amis. D’abord, Giovanni Mirabassi a enflammé le piano, avec un bebop très vécu par l’interprète qui, avant ce soir-là n’avait jamais joué avec Prattico sur scène. Impossible à deviner en les entendant jouer en tout cas.
Cette apparition a permis la promo de l’excellent album de jazz sorti en octobre dernier par Mirabassi.
Ensuite, un duo composé du joueur de mandole (une guitare algérienne qui ressemble à un gros tourteau fromager) Malik Ziad et le chanteur traditionnel Piers Faccini. Ces derniers, bien que faisant sortir notre batteur de ses rythmiques jazz, proposent une alternative plus organique, traditionnelle et aux accents orientaux, qui ne dépaysent pas dans cette belle soirée.
Le dernier morceau du set était un beau moment ou tous les musiciens sont montés sur scène en même temps pour un final impressionnant, ou la mandole répondait au piano, ou la voix de Piers se lamentait entre la basse et la batterie, bref, un superbe moment d’échange.
En soi, cette soirée ressemblait plus une jam entre copains qu’à un assommant récital de vieux musiciens de jazz rigoureux. Le lieu y est pour beaucoup, certes, mais ce sont l’humanité et la simplicité de ces hommes qui ont rendu ce moment si doux. Au début comme à la fin, les artistes sont promenés au milieu du public, d’égal à égal ne refusant aucune poignée de main ni aucune dédicace. Plus qu’un artiste, le public a vu un ami, et ça, ça n’a pas de prix.
Texte et photos Rayhan Arrar