75 ans après l’affaire, alors que les experts s’écharpent encore sur l’identité du tueur, RUN et Florent Maudoux présentent la plus célèbre inconnue de l’histoire du crime.
Un cold case est une enquête criminelle non élucidée, qui fait généralement la joie des journalistes, biographes et romanciers en mal d’inspiration. L’affaire du Dahlia noir est la plus célèbre. Elle a, notamment, offert à James Ellroy la matière de son premier succès et à Brian de Palma un scénario passablement alambiqué.
Run a travaillé son sujet. Il a tout lu, tout vérifié. Or, à l’opposé de ses innombrables prédécesseurs, il ignore le crime pour ne s’intéresser qu’à Elizabeth Short. Pas la femme fatale jouée par Scarlett Johansson, mais la véritable jeune fille, qu’il rend enfin attachante.
Nous découvrons une belle, mais pauvre, jeune fille du Massachusetts. Attirée par les lumières et les paillettes d’Hollywood, elle quitte sa famille pour tenter sa chance à Los Angeles. La guerre est finie, la machine à rêves va être relancée. Avide de gloire, Elizabeth ne sait ni jouer, ni chanter, ni danser. Engagée comme serveuse, elle plait à un homme fortuné. La chance semble, un temps, lui sourire. Hélas, Elizabeth est frivole et maladroite. Elle charme et fascine, mais a tôt fait de lasser ses courtisans éconduits, qu’elle relance pourtant par écrit. Elle écrit beaucoup, mais confond allégrement réalité et fiction. La chance tourne. Elizabeth a peur, nous connaissons la fin.
Florent Maudoux livre une reconstitution très convaincante. Encore provinciale, son Amérique se découvre victorieuse. Son dessin réaliste et fin joue habilement avec la lumière et la nuit. Elizabeth est particulièrement réussie. Tour à tour triomphante, suppliante ou inquiète, elle danse bien. Seuls ses visages paraissent étonnement lisses.
Le scénario de Run mêle un documentaire précis, avec seize pages de compte-rendu et de reproductions d’archives, à une biographie en bande dessinée qui s’interrompt brutalement une semaine avant sa mort. Le rapport d’autopsie est insoutenable. L’auteur conclut sur la présentation des vingt assassins les plus crédibles. À défaut du succès, le Dahlia noir avait su accumuler les ennemis et obtint, post-mortem, la gloire tant recherchée.
Stéphane de Boysson