Les fêtes approchent, le froid s’intensifie, mais l’ambiance est restée purement rock’n’roll lors de la dernière – et belle – Gonzaï night de 2022. On vous raconte comment on s’est réchauffés à la Maro !
Paris grelotte, les vacances de Noël démarrent, et les transports en commun hoquètent entre grèves et problèmes techniques récurrents. Pas facile d’attirer un public conséquent pour cette Gonzaï Night à l’affiche pourtant alléchante, réunissant deux des groupes français les plus intéressants (même s’il y en a beaucoup désormais), les Lyonnais de Fontanarosa et les Bordelais de TH da Freak qui ont tous deux sortis un excellent nouvel album en 2022.
20h00 : Il est difficile d’étiqueter la musique de Fontanarosa, pour l’expliquer facilement à quelqu’un qui ne l’aurait jamais entendue, et c’est là l’une de leurs principales forces. Disons que nous avons pensé au Crazy Horse de Neil Young, dans cette capacité à faire monter en puissance un riff et une rythmique, avec toute la bande qui se regarde, se concentre ensemble sur la musique, et qui peu à peu se hisse vers un niveau d’intensité inattendu : c’est d’ailleurs une démarche qu’ils répètent sur plusieurs morceaux (l’ouverture, remarquable, de Lights Off, Translated Sight, qui sera à notre avis le sommet du set, le final sur Backgrounds…), et qui, malgré son côté un peu systématique, génère énormément de satisfaction. Il y a aussi quelque chose d’indie rock 90’s à la R.E.M., avec les guitares qui carillonnent élégamment, et des mélodies assez pop qui s’inscrivent paradoxalement dans une tradition Rock US. Mais, finalement, la musique de Fontanarosa ne ressemble qu’à eux… Paul Verwaerde, le chanteur / compositeur, n’est pas a priori le leader le plus charismatique qui soit, on ressent même une sorte de timidité de sa part, au début, mais plus l’intensité de la musique augmente, plus le plaisir pris par les musiciens est visible. A la fin de ces 50 minutes assez impeccables, il faut l’avouer, ils ont gagné notre cœur, et on souscrit pleinement à cette approche à la fois classique et innovante d’une musique qui a clairement des racines.
21h15 : Cela ne va pas être facile à TH da Freak de suivre une telle première partie, mais Thoineau, ses deux frères (Rémi à la guitare et Sylvain à la basse) et leurs potes, ont plus d’une corde à leur arc. Comme prévu – c’est la logique de Thoineau, qui aime à offrir une expérience bien différente entre ses albums et les prestations live du groupe -, le set de cette release party n’aura pas grand-chose à voir avec les versions studio de l’album Coyote : le groupe déploie une puissance sonore toujours plus terrassante, avec ces trois guitares qui construisent un véritable magma psychédélique. Dès l’ouverture sur Killing Bleach, la mélodie fragile et sensible du titre est en retrait par rapport à une approche plus radicale, jusqu’au final que l’on reconnait bien avec ces drôles de hurlements (de coyotes ?) produits par les guitares. Come Rescue Me In the Forest fait danser le public conquis d’avance qui a rempli la Maroquinerie (mais pas complètement, malheureusement – bon, ça fera plus de place pour sauter en l’air !)…
Les six titres de Coyote inclus sur la setlist seront complétés par des incursions bienvenues dans Freakenstein et The Hood. Pretty Cool, avec son ambiance très Nirvana / grunge, sera pour nombre d’entre nous le sommet du set, enfin jusqu’au moment où, le final approchant, le groupe décide de passer en mode destroy et de plonger la Maro tout entière dans un chaos indescriptible : ceux qui auraient été réfractaires à l’atmosphère pop déjantée du set – et on en connaît ! – peuvent enfin se livrer corps et âme à leur passion pour le pogo et le head banging. A partir de Hospital, et en incluant une mini-reprise des Red Hot Chili Peppers, c’est l’urgence absolue dans la salle : le groupe joue désormais dans la quasi-obscurité (il n’y avait déjà pas beaucoup de lumière jusque-là, ce qui s’est avéré un vrai défi pour les photographes), Benjamin, le « guitariste moustachu », plonge dans le public, et le final sur un nouveau morceau, est une véritable tuerie !
Nous n’avons pas parlé ici des habituelles plaisanteries bizarres – dont Sylvain doit assumer la pleine responsabilité – qui, comme toujours, font partie du spectacle, mais ces soixante-quinze minutes de concert montrent une musique en pleine évolution, qui paraît parfois se chercher un peu (le set a été sans doute moins directement efficace qu’à l’habitude), mais témoigne toujours d’une magnifique ambition, et d’une indiscutable originalité.
Loin d’une facilité, trop répandue en ce moment, consistant à recycler les géniales intuitions du Rock britannique post-punk des années 80, on a pu voir ce soir à la Maroquinerie deux groupes français qui créent leur propre musique à l’écart des sentiers battus. Encore une belle soirée Gonzaï, à laquelle il n’a manqué qu’un public plus conséquent.
Texte : Eric Debarnot
Photos : Robert Gil