Pour le dernier « grand » concert avant Noël, destiné avant tout à ceux que le football indiffère, Ride et Bryan’s Magic Tears ont célébré pour nous une belle messe shoegaze…
Jour de finale de Coupe du Monde, temps pourri alors que la vague de froid qui a sévi depuis deux semaines recule devant la pluie, sans même parler d’une promotion discrète, et on se retrouve dans une Élysée Montmartre même pas complète pour le seul concert en France de Ride qui continuent à célébrer les 30 ans de leur premier album, Nowhere.
19h25 : Alors que la France vient de perdre aux tirs au but contre l’Argentine, Bryan’s Magic Tears font une entrée en scène progressive, construisant peu à peu une musique qui s’éloigne de plus en plus de leur rock psyché des débuts (Greetings from Space Boys), et vient affronter les géants passés du shoegaze, en imposant un niveau sonore plus conséquent… Comment souvent avec les Parisiens, il y a peu, voire pas d’interactions avec le public, mais de beaux morceaux noyés dans un déluge sonore croissant, où les voix masculine et féminine se relaient pour nous offrir des mélodies flottantes, sans toujours éviter le risque de l’uniformité. Au bout de quarante-cinq minutes, ils nous offrent leur classique Slamino Days comme final terrible, puissant, envoûtant, où l’influence de My Bloody Valentine est prégnante. On leur suggérerait donc à nouveau de montrer un peu plus de sympathie pour leur public, voire même seulement de montrer leur plaisir de jouer, mais depuis le temps…
20h45 : avec Ride, et surtout Mark Gardener, on a droit au contraire à des sourires et une constante démonstration de sympathie (en français la plupart du temps, en plus) : comme quoi on peut jouer du shoegaze et ne pas être autiste !
Ce soir, Ride jouent Nowhere , l’un des albums fondateurs du genre (le shoegaze, donc…) dans l’ordre et dans son intégralité, avec un peu de retard sur les 30 ans d’anniversaire, pandémie oblige. Malgré les excellents souvenirs qu’on garde des débuts du groupe d’Oxford, il faut bien avouer que, au risque de fâcher les fans, nous ne sommes pas vraiment attachés à Nowhere, que nous avons toujours trouvé un peu trop… uniforme, justement. Mais ce risque (d’uniformité) va être superbement conjuré ce soir, grâce à l’excellence de l’interprétation et du son, faisant ressortir des subtilités de titres que les années nous avaient fait oublier. Mark Gardener et Andy Bell jouent toujours aussi magnifiquement bien de leurs guitares, et on jurerait même qu’ils ont progressé vocalement (la faiblesse du groupe à ses débuts…). Lawrence Colbert, à la batterie, impressionne aussi beaucoup, avec une frappe littéralement tellurique, dont on s’étonne qu’elle ne nous ait pas plus marqués au début des années 90. Si l’on peut déplorer des lumières un peu chiches, la splendeur et la force du son rattrapent largement le manque de spectacle sur scène (Andy et Mark ne sont pas deux musiciens particulièrement passionnants à regarder !).
La plupart des titres sont transpercés par des stridences de guitare à l’effet garanti, et le public, profondément amoureux de cette musique, porte constamment Ride à l’excellence. Mark nous raconte en riant que, 30 ans plus tôt, ici à Paris, Guy Chadwick leur avait demandé de ne pas jouer avant son House of Love, parce qu’ils étaient trop bons ! Il se moquera gentiment ensuite d’Andy Bell qui confond l’Elysée Montmartre avec le Trianon où ils ont joué la dernière fois : la bonne ambiance, quoi…
Reste qu’une fois terminée l’heure consacrée à Nowhere, dans lequel est venu s’incruster le single Unfamiliar, et qui se referme sur une belle version très bruyante du titre éponyme, les 35 minutes qui suivent s’avèreront finalement plus plaisantes : avec trois titres de Going Blank Again – qu’ils nous promettent de revenir jouer dans son intégralité à son tour très bientôt – et trois chansons plus récentes, typiques d’un groupe qui a évolué vers un rock plus direct, plus mélodique, cet addendum à la soirée montre Ride sous son meilleur jour, celui de la maturité décomplexée. Avec toujours, bien entendu, ces guitares abrasives ou enflammées qu’on adore.
S’il régnait dans la salle une atmosphère de nostalgie qui n’est pas ce que nous apprécions le plus dans un concert, nous avons eu le plaisir de voir parmi les quadras et quinquagénaires pas mal de jeunes gens ravis d’être là pour cette messe shoegaze. Et pour ce dernier concert avant Noël.
Texte : Eric Debarnot
Photos : Robert Gil