Empruntant autant à l’univers de bande dessinée qu’à Hitchcock, Nicolas Pariser signe avec Le Parfum vert, une comédie d’espionnage dont l’atmosphère aux antipodes du naturalisme supposera une pleine adhésion du spectateur.
Place à l’exercice de style pour Nicolas Pariser, qui après des films plus conventionnels comme Le Grand Jeu et Alice et le Maire s’attaque à un film d’espionnage dans la plus pure tradition du genre. Le premier plan, poursuivant une femme de dos et son chignon, met d’emblée en place le principe de la citation qui vaudra pour l’ensemble du récit : nous voici sur les terres très codifiées d’Alfred Hitchcock, dont Vertigo ouvre le bal avant que ne soient largement citée sa période anglaise ou La Mort aux trousses. Cohabite avec cette écriture une esthétique de la ligne claire directement héritée d’Hergé : la première apparition, sur scène, de Vincent Lacoste se fait dans le pantalon de golfeur de Tintin, et la joliesse du récit dans lequel les événements s’enchaînent sur une mécanique presque merveilleuse emprunte beaucoup à la narration de la bande dessinée. On embarque sans réfléchir, on fonce tête baissée, et on comprend bien vite que l’aventure est le moteur principal des destinées.
L’atmosphère aux antipodes du naturalisme suppose donc une adhésion du spectateur, qui ne relève pas forcément de l’évidence dans la mise en route assez foutraque de l’intrigue, et un mélange des tons dont on peine à déterminer s’il relève d’une volonté ou simplement d’une alchimie qui ne prend pas. Certaines répliques, trop écrites, empèsent le charisme des comédiens qui donnent le sentiment d’être un peu ailleurs et de capitaliser paresseusement sur un charme naturel qui n’a pas besoin d’être retravaillé. Certains motifs (la comédie avec l’enfant dans le train, la discussion sur le judaïsme) ralentissent le rythme trépidant qu’on nous promettait, et on peut assez vite se désintéresser d’une intrigue qui cherche pourtant à s’enrichir de certaines réflexions sur une Europe hantée par un passé traumatisant.
Il faudra donc faire preuve de patience pour que l’œuvre parvienne à prendre son envol : car Nicolas Pariser n’a pas perdu de vue son désir de pastiche. Après la séquence imposée dans le train qui joue avec pertinence des espaces réduits et d’une poursuite longiligne, place à la salle de théâtre qui ouvrait déjà l’intrigue pour assister à un meurtre sur la scène de la Comédie Française. Dans la plus pure tradition deL’homme qui en savait trop, on remplace la partition fatale par du Corneille à suivre à la lettre, dans un finale d’une belle maîtrise dans sa gestion du montage alterné et des différents points de vue sur la scène, dans les coulisses et dans la salle. Le plaisir de la citation rejoint ici celui de De Palma, qui fait de l’hommage un prolongement esthétique qui se déleste du fonctionnalisme originel, où il s’agissait avant tout de faire vibrer le spectateur par les enjeux de l’intrigue. Le fait d’instrumentaliser la pièce classique L’illusion comique en témoigne explicitement : ce qui compte se joue en dehors du texte, dans les forces secrètes issues d’un message cryptique dont les conséquences auront lieu dans les zones d’ombres inaccessibles aux projecteurs. Un lieu au charme plus profond, que finit par atteindre le réalisateur.
Sergent Pepper