En compétition à Cannes en 2022, Nostalgia se présente comme une errance urbaine dans laquelle le passé d’un homme ressurgit au fil de ses déambulations. Un récit assez convenu malgré le charisme magnétique de Pierfrancesco Favino.
En compétition au dernier Festival de Cannes,Nostalgia a mis en lumière Mario Martone, un réalisateur italien peu connu en dehors de son pays, mais qui aligne néanmoins les longs métrages depuis plus de 30 ans. Ce nouvel opus relate le retour, après quatre décennies d’absence, d’un homme dans sa ville natale de Naples, pour y retrouver notamment sa mère sur le point de mourir. L’occasion d’une errance urbaine dans laquelle le passé ressurgit, et au fil de laquelle les paysages minéraux semblent n’avoir pas changé : le ton est, comme promis, à la nostalgie, et la pose n’est pas loin, entre silences contemplatifs et regards pénétrants sur le temps perdu, mais il reste difficile de résister au charisme magnétique de Pierfrancesco Favino, déjà fantastique dans Le Traitre de Marco Bellocchio en 2019.
La première partie qui fait la part belle à la ville et aux retrouvailles intimes (le bain à la mère, les rituels d’une nouvelle culture issue de son exil) atteste d’une belle authenticité dans le regard et l’interaction entre un individu et des lieux, avant que les éléments réellement perturbateurs ne viennent réveiller les démons du passé. Fortement structuré sur la dualité, le récit oppose ainsi Felice à son ancien ami d’enfance devenu caïd de la Camorra, et dans une perspective plus large, le prêtre aux mafieux qui gangrènent la ville, dans une église lieu de vie où l’on parle, on boxe et on essaie de retisser les liens défaits de la communauté. Cette polarisation dessine un paysage contrasté qui fonctionne un temps, et malgré quelques lourdeurs (les flashbacks de la jeunesse, par exemple), une certaine tension se construit sur la durée, en variant des lieux clos qui prennent toujours en charge la personnalité forte des personnage qui les habitent : l’église, les appartements du gangster reclus, auquel on n’accède que les yeux bandés, ou les catacombes composent une sorte de labyrinthe architectural dans lequel se mêlent les époques, les passions et les rancœurs, et dont la fluidité de circulation ne semble assurée que par la violence.
Ce réseau narratif n’est donc pas dénué d’intérêt, mais le caractère convenu du récit et, surtout, de son évolution, le relègue progressivement à un arrière-plan proche de la carte postale, sur laquelle des figures archétypales remplissement poliment leur contrat. Les promesses du silence initial laissaient présager une autre ampleur, et la nostalgie éponyme convoque aussi celle d’un cinéma à l’ancienne qu’elle peine à pasticher dans toute sa richesse.
Sergent Pepper