Wander Antunes De Souza adapte un roman de Mark Twain méconnu en France, une violente critique de la bourgeoisie, à lire et à méditer !
L’immense Mark Twain (1835-1910) est réduit, par ceux qui n’ont probablement pas lu attentivement Les Aventures de Tom Sawyer (1876) et de Huckleberry Finn (1884), à la stature d’auteur de livres humoristique pour enfants. C’est doublement injuste. D’abord pour la littérature enfantine, qui de Bilbo le Hobbit à L’Appel de la forêt, du Petit Prince à L’Île au trésor, a accouché d’authentiques chefs-d’œuvre ; ensuite pour le lucide pessimisme qui imprègne l’œuvre de Twain.
Nous sommes en 1899. Mark Twain est en colère. Malgré un succès croissant, il accumule les dettes et ne supporte plus l’hypocrisie puritaine et l’inaltérable bonne conscience de la bourgeoisie américaine. N’irritez pas un écrivain, sa vengeance peut être terrible. La sienne va s’incarner dans le court et tranchant roman qu’adapte Wander Antunes.
Un inconnu a été maltraité par les notables de Hadleyburg, la cité la « plus honnête du pays ». Il a pris le temps d’ourdir sa vengeance. Elle prend la forme d’une fortune en pièces d’or offerte au mystérieux bienfaiteur qui lui aurait, jadis, sauvé la vie. Ce dernier se fera reconnaître en fournissant un détail, que lui seul peut connaître. Or, pour faire valoir leur droit, pas moins de dix-huit notables vont se présenter et se déchirer en séance publique. Si Wander Antunes a cru bon d’accueillir nos vieux amis Huckleberry et Tom, qui apportent une sympathique touche de jeunesse, il respecte la lente montée aux extrêmes du texte qui aboutit sur la terrifiante scène où vieilles haines, jalousies rances et mensonges outranciers se dévoilent au sein même de l’église du malheureux pasteur.
Le dessin est original. Le trait vif est appuyé par des aplats de couleurs froides. La précision et le charme des décors ont tôt fait de nous immerger dans l’histoire. Au fil des pages, l’encrage s’épaissit, soulignant la méchanceté des personnages et l’exacerbation des passions. L’appât du gain déforme les visages, dévoilant leur avidité cachée. Manifestement, l’argent corrompt…
Il n’est que temps pour Tom et Huckleberry de quitter la cité maudite et de reprendre la route.
Stéphane de Boysson