Série policière virant au récit de vengeance, Vengeances n’a rien d’exceptionnel, mais se défend bien grâce à son personnage principal, une croque-mort perturbée entraînée dans un engrenage de violence.
Il faut bien reconnaître que l’image que l’on a de l’Autriche, tant du fait d’un certain nombre de faits divers abominables que de l’approche pour le moins radicale de certains de ses réalisateurs les plus connus (Michael Haneke en premier lieu), n’est pas d’un pays idyllique où tout le monde est gentil et optimiste, mais bel et bien d’une sorte d’enfer de haine et de violence. Et ce n’est pas la nouvelle série TV Netflix, autrichienne donc, Vengeances (Totenfrau, soit « la Femme des Morts ») qui va changer notre perception du pays, que nos amis autrichiens nous pardonnent cette injustice et ces préjugés !
Située dans le cadre idyllique du Tyrol, plus exactement d’une petite ville ambitionnant de devenir une station de ski de première catégorie, Vengeances nous raconte l’enquête menée par une jeune femme, propriétaire des pompes funèbres locales, pour éclaircir les circonstances de la mort de son mari policier, tué en moto dans un accident de la route. Elle va découvrir au fil des épisodes les abominations qui se dissimulent derrière la façade d’une bourgade tranquille et policée, et qui vont l’amener à assumer seule le rôle de juge et bourreau. Ce basculement du thriller dans le revenge movie au troisième épisode devrait être une surprise, tant le personnage principal est a priori séduisant et empathique (joli boulot d’ailleurs, d’Anna Maria Mühe), si le stupide titre français ne l’avait gratuitement spoilé !
Vengeances bénéficie clairement des paysages splendides des Alpes autrichiennes, d’une mise en scène efficace de Nicolai Rohde, et d’une interprétation globalement convaincante. Mais la vraie originalité de cette série, c’est d’avoir comme protagoniste une femme profondément perturbée, qui parle avec les morts étendus sur sa table d’embaumement, et qui semble parfois de pas valoir bien mieux que les crapules qu’elle élimine : cet angle relativement original distingue Vengeances du tout-venant des séries-thrillers Netflix, et lui permette de dépasser l’habituel registre des fictions paranoïaques où rien n’est ce qu’il paraît a priori, où tout peut s’avérer menaçant. On regrettera particulièrement, du coup, la dernière révélation, dans le sixième et ultime épisode, que les habitués des fictions policières auront vu venir de loin, et qui fait que Vengeances se referme de manière un peu trop classique.
Se referme ? Pas sûr, car les dernières minutes laissent imaginer un futur affrontement entre notre héroïne et des forces mafieuses qui s’engagent dans le projet de transformation de la petite ville. Est-ce une bonne nouvelle ? Ce n’est pas certain, car Vengeances risque bien de virer franchement au « revenge porn » !
Eric Debarnot