Beaucoup plus réaliste que la quasi-totalité des films et séries du genre, Echo 3 raconte l’enlisement d’une mission de libération d’otage en Amérique du Sud. Pas encore un chef d’œuvre, loin s’en faut, mais tout à fait regardable !
Combien de fois avons-nous déjà vu cette histoire d’un ou d’une Américain(e), ou d’un groupe, détenus en otages dans un pays hostile – en général au Moyen-Orient ou en Amérique Latine, deux régions du monde clairement identifiées par les US comme « ennemies » – que les forces armées US (officielles ou non) vont libérer grâce à l’avance technologique ou / et aux compétences extraordinaires des états-uniens, sans même parler de leurs incomparables valeurs morales ? Combien de fois avons-nous haï cette représentation naïve, irréaliste, largement insultante, d’une supériorité US sur le reste du monde ? Pourquoi perdre notre temps et notre calme devant une autre histoire téléphonée de méchants terroristes, de victimes états-uniennes innocentes, et de braves soldats armés jusqu’aux dents ?
Eh bien d’abord parce que Echo 3 est une adaptation, un remake de When Heroes Fly, une série israélienne de 2018, et a conservé dans son ADN quelque chose de ses origines : sans déroger aux règles habituelles de droit d’ingérence US (une politique complètement revendiquée par le Mossad, on le sait) chaque fois que des nationaux sont en danger, Echo 3 adopte une approche un peu plus réaliste. C’est presque incroyable, mais on verra, au fil des x épisodes, des opérations US échouer – non pas une fois, mais plusieurs -, on entendra un mea culpa états-unien sur les méfaits de la CIA dans les années 70 sur le continent latino-américain, et on aura même droit au point de vue politique des sud-américains pas trop contents que leur pays soit le théâtre de ce genre d’opération (enfin, les Colombiens, car les Vénézuéliens restent l’ennemi absolu, pas question de les humaniser, la seule solution est de les mitrailler ! Il ne faut pas déconner, non plus !).
On appréciera l’inattendu épisode 4 (Upriver), qui confère à l’histoire une vraie pause, une vraie respiration, et permet aux habitants des régions parcourues par nos guerriers d’exister à l’écran plus que comme shooting targets. On appréciera un peu moins le dernier épisode (Heat) qui part d’un bon principe, continuer l’histoire après la « victoire », voir ce qui se passe après le mot « fin » (les conséquences politiques, les traumatismes qui ont résulté de toute cette histoire…) mais s’enlise dans une conclusion à la fois vide et lénifiante. On n’ira pas de toute manière jusqu’à prétendre que Echo 3 est une fiction « de gauche » : les gouvernements locaux restent fondamentalement corrompus ou impuissants, les journalistes manipulateurs, les hommes au premier plan dans leur rôle « primitif » de protéger les femelles (épouse ou sœur), les méchants sont de préférences homosexuels (on a droit cette fois à un couple de jeunes colombiennes lesbiennes très méchantes).
Echo 3 est le bébé de Mark Boal, scénariste et producteur de films majeurs – et très réussis – comme Zero Dark Thirty, Démineurs ou Detroit, et on remarque parmi les réalisateurs, le nom de l’Argentin Pablo Trapero (Mondo Grua, Carancho) qui dirige ses 4 épisodes avec un talent indiscutable, élevant la série à un niveau de qualité totalement cinématographique. Echo 3 bénéficie aussi grandement en termes de crédibilité, d’un tournage sur place, en Colombie, de l’utilisation de la langue locale, mais aussi de moyens financiers importants qui rendent crédibles les (nombreuses) scènes d’opération militaire.
Bien sûr, même si la série est, on l’a dit, beaucoup plus réaliste que la majorité des histoires similaires, sa deuxième partie (les épisodes 5 à 9) est bien plus faible que sa première, entre une histoire abracadabrante d’enlèvement à Medellin, et un neuvième épisode (Scorched Earth) qui tombe dans un registre bourrin que la série avait évité avec succès jusque-là. On déplorera aussi une distribution, pas toujours au niveau des ambitions scénaristiques de la série : si Luke Evans, comme toujours, fait parfaitement le job, réussissant à concilier faiblesses humaines et quasi-invincibilité, les deux autres rôles principaux, celui d’Amber – la victime du kidnapping – et celui de Prince ont été confiés à deux acteurs (Jessica Ann Collins et Michiel Huisman) qui ne s’avèrent ni charismatiques, ni convaincants. Par contre, les petits rôles confiés à Martina Gusman (l’épouse de Trapero), à Bradley Whitford (toujours excellent en ordure complexe mais sympathique) et surtout à la trop rare Franka Potente ajoutent beaucoup au charme des scènes où ils interviennent.
Bref, loin des désastres fascisants que sont en général les films ou séries du genre, Echo 3 est le résultat appréciable d’un travail sérieux, tout en restant largement divertissant. Une nouvelle preuve de l’intelligence d’Apple TV+, même quand la plateforme s’aventure dans des genres douteux.
Eric Debarnot