Excellent thriller d’espionnage se perdant parfois dans son scénario complexe et dans des dialogues excessivement longs, The Old Man est un must absolu grâce à l’interprétation exceptionnelle de Jeff Bridges et John Lithgow.
Dan Chase (Jeff Bridges) est un vieil homme qui semble mener une vie tranquille, affrontant avec difficulté le décès de son épouse, atteinte d’Alzheimer, quelques années plus tôt. « Semble » parce que lorsque l’on s’introduit nuitamment chez lui, tous ses réflexes de tueur professionnel réapparaissent. Ex-agent de la CIA ayant disparu des radars depuis longtemps, il se retrouve soudainement la cible d’une opération massive visant à le capturer, mais aussi face à Harold Harper (John Lithgow), l’un de ses anciens amis, devenu ponte au sein du FBI, qui semble quant à lui purement et simplement déterminer à l’éliminer pour que certains secrets de leur passé commun ne soient pas révélés.
Si les deux premiers épisodes de The Old Man s’avèrent particulièrement réjouissants, avec leur tension, leurs explosions sporadiques de violence, et surtout avec un Jeff Bridges au sommet de son Art, leur inscription dans un sous-genre bien défini du cinéma US inquiète franchement quant au reste de la série : on imagine mal ce que The Old Man, en dépit d’une mise en scène qui frappe par son intelligence, en particulier dans la représentation de la violence, peut apporter de nouveau, de différent, par rapport à une succession de films de séries B traitant plus ou moins le même sujet… On a forcément peur de n’être finalement que devant une version haut de gamme des polars avec Liam Neeson !!!
Heureusement, Robert Levine et Jonathan E Steinberg ont également d’autres ambitions que de nous offrir une succession de scènes d’action où notre héros bien fatigué va défaire à lui seul (bien aidé quand même par ses deux chiens féroces !) une armée d’ennemis surentraînés. Ils adaptent ici un thriller d’espionnage d’un auteur réputé, Thomas Perry : leur scénario va moins se concentrer sur les péripéties, il est vrai palpitantes, de la chasse à l’homme, que sur les jeux de manipulation auxquels se livrent les différents protagonistes. The Old Man va conserver tout au long de ses sept épisodes une véritable logique, voire une vraisemblance maximale à tous les tours et détours que va suivre l’histoire de Dan Chase, de sa relation ambigüe avec Harper, de son amour pour sa fille Emily qu’il cherche à protéger à tout prix, et surtout de son passé. Car c’est bien dans ce passé – qu’il a tenté de dissimuler, voire d’oublier – de combattant contre les Soviétiques en Afghanistan (le livre de Perry se passe, lui, en Lybie…) qu’est la « racine du mal » que fuit Chase. Et c’est en revenant sur ce passé qu’il va malencontreusement provoquer l’effondrement de toute la réalité à laquelle il s’est accroché pendant ses années de clandestinité.
Tout cela est passionnant, et débouche sur un dernier épisode aussi destructeur et pessimiste que palpitant, mais Levine et Steinberg n’évitent malheureusement pas des maladresses qui rebuteront certainement des téléspectateurs n’ayant pas la patience de supporter de longues, très longues scènes de dialogues, souvent introspectifs, entre les protagonistes. Si la fiction est largement réaliste, crédible, on peut trouver inutilement compliqués les rapports entre les personnages, voire le comportement de certains. Avec une interprétation peu convaincante d’Amy Brenneman, le personnage de Zoe, femme mûre se trouvant projetée malgré elle au milieu du chaos qui entoure Dan Chase, n’arrive jamais à convaincre, et tire vers le bas toute la partie de la série qui lui est consacrée. Dans une moindre mesure, les personnages ambigus de Waters, l’agent du FBI détesté par tous, et de Julian, l’ex-militaire devenu tueur à gages, semblent sous-exploités par un scénario qui ne réussit pas à utiliser, ni même à embrasser leur complexité. A l’inverse, on appréciera l’interprétation mimétique de Bill Heck, un Jeff Bridges jeune très crédible, qui porte sur ses épaules solides toute la partie « afghane » de l’histoire, qui s’avère particulièrement fascinante.
De toute manière, les quelques insuffisances d’une série aussi ambitieuse, si elles risquent d’effaroucher certains téléspectateurs réticents à se creuser les méninges devant une histoire aussi compliquée, pèsent peu au regard du plaisir qu’on prendra devant le jeu superlatif de Jeff Bridges et de John Lithgow, qui réussissent tous deux à être à la fois charismatiques et subtils, et élèvent régulièrement The Old Man bien au-dessus des limites de son sujet et de son écriture.
Eric Debarnot